Objet de nombreux débats politiques et académiques en France, la discrimination positive est aujourd'hui fréquemment invoquée en référence à l'expérience américaine d'affirmative action sans que les origines, les caractéristiques ni même les justifications apportées à cette politique aux Etats-Unis ne soient véritablement connues ou explicitées.
Daniel Sabbagh, chercheur au CERI et enseignant à Sciences Po, entreprend dans cet ouvrage, qui reprend en grande partie sa thèse de sciences politiques soutenue à l'IEP en 2000, de retracer les origines, les évolutions et les remises en cause récentes de l'affirmative action aux Etats-Unis, politique de rattrapage largement construite par les cours juridiques (notamment par la Cour suprême) et qui vise à instaurer un traitement préférentiel à certains groupes en vue de garantir une véritable égalité des chances.
Selon l'auteur, ces politiques reposeraient alors sur un certain nombre de paradoxes : parce qu'elles vont à l'encontre de la « passion pour l'égalité » des Américains, mais aussi de la neutralité et de l'universalité attendues du système juridique, ces politiques sont aujourd'hui justifiées au nom d'arguments juridiques d'autant plus complexes que leur mise en œuvre semble efficace socialement, selon une véritable « stratégie de dissimulation » menée consciemment par les juridictions suprêmes. Cette évolution ne serait qu'une illustration de l'influence croissante du multiculturalisme, qui souhaite promouvoir les groupes non plus seulement en raison d'inégalités de départ, mais pour des considérations d'égale reconnaissance
[...] De même, certaines dispositions en faveur des femmes ont pu également être assimilées aux mesures constitutives de l'affirmative action ; en revanche, des dispositions, pourtant analogues, en faveur des anciens combattants voire des personnes handicapées n'ont jamais elles été rangées parmi les mesures de discrimination positive par les cours fédérales. Le champ d'application de l'affirmative action concerne habituellement l'attribution des marchés publics, l'admission dans les universités et l'emploi (dans la fonction publique comme dans le secteur privé). Elle se traduit concrètement par un traitement préférentiel des individus appartenant aux groupes jugés lésés. [...]
[...] Sabbagh, on observerait aujourd'hui aux Etats-Unis un glissement progressif vers un troisième type de justifications, de critères strictement raciaux vers des critères d'ordre socio-économique. D. Sabbagh se penche ici avec attention sur les analyses alternatives du philosophe et juriste américain Ronald Dworkin : pour ce dernier, la discrimination positive peut être entendue comme un instrument destiné à réduire la corrélation entre la race et la position occupée dans la hiérarchie socio-économique, dans la mesure où cette corrélation constituerait en elle- même un facteur de désavantage pour l'ensemble des individus noirs Pour Dworkin, la discrimination positive pourrait avoir pour finalité ultime l'éradication du désavantage spécifique encore induit par l'identification raciale dans la société américaine contemporaine, i.e. [...]
[...] Conclusion Affirmative action et multiculturalisme En adoptant une telle stratégie de dissimulation des logiques soutenant l'affirmative action, remplacée dans les discours par des exigences d'ouverture aux différences ou de reconnaissance des minorités et leurs droits la réduction des inégalités raciales, qui était l'objectif initial des politiques de discrimination positive, a ainsi largement contribué à l'essor récent du multiculturalisme aux Etats-Unis, qui renforce à son tour les politiques de discrimination positive en soulignant les aspects culturels liés à la question raciale. Commentaire Ouvrage dense, voire très dense, mêlant sociologie politique, sciences politiques et droit constitutionnel américain, l'ouvrage de D. Sabbagh nécessite de la part du lecteur non spécialiste une attention soutenue s'il veut en tirer le meilleur profit. [...]
[...] Origines et définition de l'affirmative action (Ch. Dans un premier chapitre descriptif, D. Sabbagh entreprend de retracer la genèse et les principales étapes du développement historique de l'affirmative action, expression apparue dans la législation fédérale dans les années 1960, mais dont les dispositions qu'elle désigne sont à replacer dans la perspective de la question raciale aux Etats-Unis. A minima, l'affirmative action a d'abord désigné en effet certaines mesures destinées à combler l'écart existant entre différentes catégories de la population américaine quant à l'accès à l'emploi Typiquement, il s'est d'abord agi de porter à la connaissance des Afro-américains l'existence de postes à pourvoir en publiant des annonces dans les journaux qu'ils étaient présumés lire en priorité (procédés d'outreach). [...]
[...] Daniel Sabbagh, L'égalité par le droit Les paradoxes de la discrimination positive aux Etats-Unis Objet de nombreux débats politiques et académiques en France, la discrimination positive est aujourd'hui fréquemment invoquée en référence à l'expérience américaine d'affirmative action sans que les origines, les caractéristiques ni même les justifications apportées à cette politique aux Etats-Unis ne soient véritablement connues ou explicitées. Daniel Sabbagh, chercheur au CERI et enseignant à Sciences Po, entreprend dans cet ouvrage, qui reprend en grande partie sa thèse de sciences politiques soutenue à l'IEP en 2000, de retracer les origines, les évolutions et les remises en cause récentes de l'affirmative action aux Etats-Unis, politique de rattrapage largement construite par les cours juridiques (notamment par la Cour suprême) et qui vise à instaurer un traitement préférentiel à certains groupes en vue de garantir une véritable égalité des chances. [...]
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