Le 4 juin, les députés ont voté la nomination définitive du contrôleur général des lieux de privation de liberté, prisons, hôpitaux psychiatriques, centre de rétention et locaux de garde à vue. C'est donc Jean-Marie Delarue qui a été nommé à cette fonction étant donné qu'il connait bien le dossier carcéral et est intègre et indépendant. Cette nomination implique une double modification de l'Administration pénitentiaire. Tout d'abord, cela sous-entend son ouverture à un regard extérieur et donc une protection des personnes détenues. De plus, cela entraînerait une transformation radicale du droit de la prison en établissant des règles dont le contrôleur devrait vérifier l'application.
Mais cela était sans compter le projet de loi de Rachida Dati sur le sujet. Même si quelques avancées ponctuelles ont été apportées, la réforme a très peu tenu compte des remarques faites en 2004 par la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme. Ainsi, la peine maximale de quartier disciplinaire est passée à quarante jours au lieu de quarante-cinq, ce qui est toujours plus élevé que la moyenne européenne, et la présidence de la commission de discipline a été laissée à la direction des établissements pénitentiaires, ce qui avait pourtant été dénoncé. Les fouilles corporelles sont maintenues et malgré une modification peu concluante de l'article qui les concerne, elles restent problématiques de par leur caractère dégradant et attentatoire au droit à l'intimité.
Cet ouvrage pose donc une question simple : comment en est-on arrivé là ? Plus largement, il s'agit d'une interrogation sur le sens qu'il faut donner à la peine et à la prison et sur les dérives dont nous sommes témoins actuellement.
[...] C'est celui de la présence à l'hôpital de personnes auxquelles aucun soin n'est apporté. Il s'agit souvent de personnes qui même si elles ne nécessitent pas un enfermement, sont incapables d'avoir une vie autonome à l'extérieur. Il y a donc un double problème à régler. Mais la question n'est pas de savoir où les personnes sont enfermées, mais surtout de connaître la durée de l'enfermement, le respect de leurs droits et leurs conditions de sortie. En effet, un lieu de soin est en théorie un endroit d'où le malade peut sortir vers d'autres unités avec d'autres modes de prise en charge. [...]
[...] Ainsi, l'incarcération ne vient plus consacrer une faute, puisqu'elle est inéluctable. De plus, il y a un développement de l'incertitude due aux aléas judiciaires, pénitentiaires et policiers. Il y a aussi un développement de la comparution immédiate, étendue par la loi Perben I. Pour certains membres du Parquet, c'est positif, car cela empêche l'accusé d'organiser sa défense. Mais cela entraine une augmentation du nombre d'affaires réglées en comparution immédiate par rapport à celles qui sont instruites. De plus, le recours à ce système a un effet de rétroaction sur le travail de la police, ces types de délits étant commis par des personnes des rues ou de quartiers défavorisés qui font souvent de nombreux aller- retour entre l'intérieur et l'extérieur de la prison. [...]
[...] Dans une UHSA, le détenu n'a aucune possibilité de sortie hormis celle de retourner en prison. La CEDH a d'ailleurs condamné la France le 11 juillet 2006 pour avoir maintenu en prison pendant plusieurs années, sans encadrement médical approprié, un détenu souffrant de troubles psychiatriques. Tout cela est symptomatique d'une asphyxie du dispositif thérapeutique. Cette tendance est caractérisée par deux ruptures. La première, avec les principes du droit pénal qui lient la sanction à la commission d'une infraction et non à son incertain pronostic. [...]
[...] Au bout d'un moment on n'est plus qu'un délinquant Au XIXe siècle, la prison était le lieu où l'imposition d'une discipline spécifique permettait le redressement de personnes anormales qui avaient commis des infractions pénales. La critique de cette définition a évolué selon deux voies conjointes. Tout d'abord, en portant sur la définition même et sa capacité à enfermer les termes du débat sur la question carcérale. Ensuite, en pointant le gouffre qui sépare le discours de l'amendement par la peine de la réalité carcérale. [...]
[...] Des études démontrent tout de même que pour les jeunes incarcérés, la prison n'est plus qu'un lieu de passage où ils se construisent des réseaux de délinquance, où les expériences se banalisent et où règle l'absence de tout projet éducatif et l'ennui. Le gouvernement semble prendre au sérieux la déshérence des quartiers mineurs. C'est pourquoi il a mis en place un grand nombre d'activités, minutées, de façon à occuper les détenus. Mais cela serait trop intensif et épuisant et aurait poussé un mineur au suicide en 2006. [...]
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