Les liens existants entre les individus formant la société sont, il est vrai, affaiblis par la tendance individualiste inhérente à la démocratie contemporaine, fait que décrit Tocqueville dans "De la démocratie en Amérique". En France, pas moins de 15 % de la population vit seule et les ventes d'anxiolytiques ont été multipliées par sept sur les vingt dernières années. Plus d'un mariage sur trois se solde par un divorce et de surcroît, le mariage recule lui-même au profit d'unions libres. Ces données témoignent bien d'un changement dans la société, et ce, dans le sens d'un individualisme croissant. Si l'on considère la démocratie comme un système où le dialogue est roi, cette précarisation du lien social pose dès lors problème. Certains annoncent, non sans catastrophisme, que le stade ultime de cette décomposition sera la guerre civile. Est-il juste de parler de crise sociale ou devrait-on plutôt parler de mutation du lien social moderne par rapport à ses formes anciennes ?
Nous répondrons à ces questions au cours de cette démonstration, qui va nous amener dans un premier temps à définir plus précisément le lien social, comme une notion floue dépeignant l'ensemble des relations entre humains au sein du corps social. L'évolution de la démocratie contemporaine a néanmoins imposé des mutations à cette réalité et qui sont jugées comme négatives, inaugurant ainsi la thématique de la crise du lien social. Malgré cela, la démocratie individualiste du XXIe siècle n'est pas dénuée de liens sociaux, mais doit en permanence s'atteler à en reconstruire de nouveaux.
[...] Chacun verrait en l'autre un agresseur potentiel. Ceci est dû notamment à l'incroyablement faible taux d'élucidation des crimes et délits par la police française, qui n'est que de 27% des affaires, ce qui cultive un sentiment d'impunité tout à fait délétère en matière de lien social, car animant la peur de l'autre. Enfin, le modèle d'intégration républicaine français et ses ratés sont aussi à la source du malaise. L'immigration concerne 22% de la population française si on remonte jusqu'aux petits enfants d'immigrés et pour cette population, le taux de chômage des jeunes est entre deux et cinq fois plus élevé que pour les autres. [...]
[...] Bibliographie - CUSSET (Pierre-Yves), Le lien social, Armand Colin, Paris - ROUSSEAU (Jean-Jacques), Du contrat social, GF Flammarion, Paris - PENA-RUIZ (Henri), Dieu et Marianne, philosophie de la laïcité, PUF, collection Fondements de la politique - CUSSET (Pierre-Yves), (sous la direction Individualisme et lien social, in. Problèmes politiques et sociaux, n°911, avril 2005. - SYLVESTRE (Jean-Pierre), Les fondements de la conception laïque du lien social, in. Raison présente, n°122, avril/juin 1997, p à 97. - VINCENT (Gilbert), Civisme et civilité, les dimensions morales et religieuses du lien social en démocratie, in. Archives de sciences sociales des religions, n°121, 48ème année, janvier/mars 2003, p.127 à 148. - TOCQUEVILLE (Alexis), De la démocratie en Amérique, GF Flammarion, Paris 2001. [...]
[...] L'individu est en effet devenu l'entité suprême chez les Modernes. Certes, il ne s'agit pas de confondre égoïsme et individualisme, ce dernier n'en pas moins des effets secondaires néfastes. De cette survalorisation de l'individu naît en effet le désintérêt pour la vie publique, et une certaine apathie généralisée, aussi nommée anomie par Durkheim. De ce qui apparaît comme une démission des citoyens résultent l'atomisation du corps social et la mise en place d'une tutelle douce et paisible comme le dit le philosophe. [...]
[...] La presse exerce quant à elle son rôle de contre-pouvoir de façon scrupuleuse et demande aux hommes politiques une conduite irréprochable. Tous ces éléments, même si on pourrait en ajouter une multitude d'autres, participent à l'édification d'un sentiment d'avenir commun dans la société. Ce modèle cumulant réussite économique et lien social fort montre bien que la réussite ne réside pas nécessairement dans le dépeçage de l'Etat social de droit, contrairement à ce que la tendance actuelle nous amènerait à croire. [...]
[...] Conclusion Ainsi, au terme de cette démonstration, il apparaît que la thématique de la crise du lien social n'est pas si explicitement interprétable que l'on pourrait le croire. Certes, l'observation empirique nous conforte dans cette idée, notamment du fait de la diminution de l'implication des citoyens dans la sphère publique, de la montée de l'isolement et de l'incivisme. Mais ces mutations pourraient en fait n'être que le résultat de l'adaptation à la modernité de notre société. Il existe pour autant des recours à cet affaiblissement du lien social et des exemples à suivre, comme la Scandinavie, existent. [...]
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