Les cités sont-elles en feu ? Cette question récurrente apparaît naturelle aujourd'hui – on le voit à travers le nombre élevé de publications plus ou moins scientifiques à ce sujet qui paraissent–. Or, cette interrogation ne va pas de soi et est historiquement située. Cette question s'est constituée comme un problème social en France il y a environ 25 ans, lorsque la société française a découvert lors de l'été 1981 les « rodéos » au quartier des Minguettes dans l'agglomération lyonnaise. Des jeunes de cités volaient des voitures puissantes dans le centre-ville et organisaient des « rodéos » dans les quartiers avant de brûler les bolides. Cet événement extrêmement spectaculaire vaudra aux cités une couverture médiatique nouvelle, bien plus large. Une médiatisation qui, à partir de cet instant, deviendra chronique. La question des cités devient alors une nouvelle catégorie d'analyse centrale des problèmes sociaux en France. Cette question va alors contenir en elle la plupart des malaises de la société : chômage, délinquance, émeutes, économie parallèle, échec scolaire, immigration, ghetto… Et des malaises considérés comme plus spécifiques aux cités, comme les tournantes, la question du voile islamique ou, plus récemment les violences urbaines de novembre 2005.
Mais, derrière ce problème social qui apparaît global et avec une forte unité, se cache en fait une réalité bien plus complexe.
Nous constaterons donc dans un premier temps que la définition de la cité pose problème. À travers trois exemples symptomatiques, nous tenterons de voir en quoi les cités sont stéréotypées et vues « en feu » dans les médias, comme dans les représentations collectives.
Nous essaierons dans un second temps de déconstruire les stigmatisations et simplifications outrancières pour relativiser ce «feu » des cités, tout en adoptant un point de vue critique face aux réponses politiques adoptées.
[...] Donc, à observer l'état du débat public français, la société semble ne plus comprendre une partie de sa jeunesse, qu'elle voit comme une entité barbare. Intéressant de souligner que sorte de répétition du phénomène des blousons noirs des années soixante. Ainsi, comme le souligne Laurent Mucchielli en conclusion, de Violences et insécurité, peut-être faut-il, tout en interrogeant la violence des jeunes, également interroger la violence de la société. Simplification et stéréotype, une manière de répondre à la réalité sans la saisir distinctement ? Certes, les cités présentent un regroupement géographique de nombreux problèmes sociaux. [...]
[...] - Le voile revendiqué, choix personnel de jeunes femmes intégrées culturellement, voile qui n'exprime pas un rigorisme. Face à cette distinction, la position radicale de l'association Ni putes, ni soumises qui estime que le voile est un instrument d'oppression des hommes sur la femme - apparaît quelque peu restrictive. Il semble donc nécessaire de souligner que, même si la part de contrainte du voile n'est pas négligeable, il s'agit la plupart du temps de s'individualiser dans la société française en puisant dans les éléments de la religion. [...]
[...] Sans accuser les médias (et en particulier la télévision) d'invention, il montre toutes les déformations qu'ils font subir à la réalité. Il y a selon lui une fabrication de l'événement. Les images suscitent une réalité indiscutable qui forge des représentations qui s'ancrent profondément dans l'inconscient collectif. Pour revenir sur le phénomène des tournantes, difficile de trouver mention de la rareté. Une nouvelle fois, ce sont les émeutes qui constituent le paroxysme de cette médiatisation. Plusieurs interprétations s'affrontent néanmoins. Laurent Mucchielli soutient ainsi que la présence de caméras fait augmenter le nombre de voitures brûlées. [...]
[...] Mucchielli montre que le nombre de victimes de violences sexuelles augmente depuis quelques années. Et cette augmentation ne résulterait pas selon lui d'une plus grande facilité à porter plainte ou d'un durcissement pénal à ce sujet. Mais, parmi le nombre des violences sexuelles, ce sont surtout les viols individuels qui ont augmenté. Le phénomène des viols collectifs ou tournantes est extrêmement rare et très minoritaire parmi les violences sexuelles. C'est un fait ancien mais qui est avant tout devenu un fait médiatique. [...]
[...] Affirmer le contraire reviendrait à donner du crédit aux amalgames qui voient les cités seulement sous le prisme de jeunes qui organisent des tournantes, caillassent la police et sont complètement hors de l'Etat. Dans son analyse de l'émeute de novembre 2005, G. Mauger parle bel et bien de protopolitique Le politique n'a pas déserté les cités. Il s'y exprime d'une autre manière. Charge au sociologue de la décrypter. Bibliographie Beaud Stéphane, Pays de malheur Paris, La Découverte Tévanian Pierre, Le voile médiatique. Un faux débat : l'affaire du foulard islamique Paris, Raisons d'agir Mauger Gérard, L'émeute de novembre 2005. [...]
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