Pour la journée du 30 mars 2006, l'IPEALT organisa un séminaire autour du thème « violence politique et acteurs sociaux en Amérique Latine ». Les différentes interventions des scientifiques ont permis d'éclaircir cette problématique d'actualité, à travers l'étude de cas pratiques. Cependant, suite aux perturbations causées par le blocage de l'université, il n'a pu se dérouler dans les conditions prévues. Ce compte-rendu ne prétend pas résumer leurs propos. Je ménerai plutôt une réflexion générale, afin de comprendre les processus de violence de l'histoire contemporaine à l'échelle du continent, en excluant toutes perspectives comparatistes.
Un regard rapide porté sur l'histoire de l'Amérique Latine peut donner le sentiment que le continent est depuis longtemps traversé par de multiples violences. Cette tradition est lointaine : elles remontent aux civilisations précolombiennes, puis aux massacres des populations indiennes qui ont emmaillé les découvertes de la période coloniale. Au XXème siècle, elle renvoie aux rébellions armées des guérillas et à l'installation de régimes autoritaires. Aujourd'hui, les observateurs soulignent l'aggravation préoccupante de la fréquence des crimes de sang liés tant aux activités illégales et délinquantes qu'à l'exploitation économique. Ce débat est d'ailleurs d'actualité, la violence a envahi les médias, préoccupe les opinions publiques et devient un thème central pour la définition des politiques publiques.
Plutôt que d'accepter la fatalité d'une culture latino-américaine de la violence, et de poser un déterminisme qui irait chercher une explication dans une prétendue nature des peuples, il convient de s'interroger sur l'historicité de ces pratiques et la mutation des répertoires de la violence.
Ce triste tableau signifie-t-il que l'Amérique Latine est condamnée à la violence, par ses mœurs, sa culture, ou par la configuration particulière qu'y prennent les inégalités sociales ? La violence constitue-t-elle alors une dimension historique d'un modèle politique et social propre à l'Amérique Latine ?
Sur ce continent, qui a connu les caudillos puis les guérillas et les régimes militaires, les systèmes politiques se sont construits sur un fond d'interactions violentes entre les acteurs en conflit. Or, aujourd'hui, dans des systèmes récemment démocratisés, la question de la sécurité continue de mettre à mal l'Etat de droit, les libertés publiques et la nature démocratique des régimes, alors que se multiplient les espaces de violence que les Etats ne contrôlent plus.
[...] Les différences sociales se figent en labellisant comme violents certains groupes sociaux, associant la violence à une pathologie. Face à l'augmentation de la violence urbaine, les politiques de sécurité ont tendance à accentuer la clôture de l'espace urbain et les individus adoptent des mesures de protection et de séparation, des comportements de méfiance et d'autodéfense. La formation d'espaces urbains cloisonnés est constitutive d'une désagrégation du lien social et se révèle porteuse de violences. Les couches défavorisées des populations, elles-mêmes regroupées dans les quartiers qui leur sont réservés par défaut, deviennent des classes dangereuses dont il faut se protéger. [...]
[...] Rendre compte de la violence par référence à une culture politique et sociale spécifique qui aurait, de tout temps, favorisé les comportements violents, revient à ne rien expliquer et à poser des continuités et des pesanteurs historiques. Cette vision d'une Amérique Latine rongée par la violence est à relativiser. Si tout historien se penche sur l'histoire d'un continent, il y trouvera des arguments pour justifier un déterminisme des peuples plus enclins à la violence. Il est bon de ne pas oublier que la plus grande barbarie de tous les temps a eu lieu, il y a seulement 60 ans, dans le centre intellectuel universel et porteur de civilisation, l'Europe. [...]
[...] La violence constitue- t-elle alors une dimension historique d'un modèle politique et social propre à l'Amérique Latine ? Sur ce continent, qui a connu les caudillos puis les guérillas et les régimes militaires, les systèmes politiques se sont construits sur un fond d'interactions violentes entre les acteurs en conflit. Or, aujourd'hui, dans des systèmes récemment démocratisés, la question de la sécurité continue de mettre à mal l'Etat de droit, les libertés publiques et la nature démocratique des régimes, alors que se multiplient les espaces de violence que les Etats ne contrôlent plus. [...]
[...] La généralisation de la violence participe à la perte d'authenticité démocratique Le style de commandement qui découle de relations inégalitaires a pour contrepartie une violence que les sociologues ont baptisée structurelle car liée à l'injustice sociale. C'est une violence que l'on voit peu mais dont la brutalité quotidienne est pourtant la trame des affrontements sociaux. La violence peut-être alors analysée comme un moyen de participation politique, une façon de faire parvenir un message au pouvoir en place. Enfin, le recours de plus en plus fréquent à la violence peut aussi animer des stratégies économiques d'accès à la richesse, qui semble être la seule possible pour des populations marginalisées. [...]
[...] On pense surtout au foquismo rural des années 60 ou à la guérilla urbaine des années 70. Enfin, au cours des années 80, l'Amérique centrale a été le théâtre d'insurrections généralisées, sous- tendues par une stratégie plus élaborée, connaissant un certain succès. Dotés d'une idéologie marxiste-léniniste assez floue, ces mouvements de guérilla ont popularisé la figure romantique du guérillero au grand cœur, mort au combat, dont le protagoniste le plus emblématique reste le Che. En réponse à la menace représentée par la subversion castriste et à l'instabilité politique qu'elle provoquait, les régimes militaires ont cherché à se construire une légitimité anticommuniste. [...]
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