En accusant, fin novembre 2009, le Téléthon de « parasiter la générosité des Français », le président du Sidaction a non seulement déclenché une polémique, mais attiré l'attention sur un secteur d'activité qui dépasse largement le domaine de la recherche médicale et « pèse » environ trois milliards d'euros. D'après « Recherches et solidarités », ce montant a plus que doublé entre 1995 et 2008 en liaison avec la croissance des revenus, l'année 2009 étant marquée par un ralentissement en raison de la crise économique ; la seule exception à cette relative régularité est l'afflux exceptionnel de dons enregistré en 2005 à la suite du tsunami asiatique.
D'où l'idée implicite qu'il existerait, bon an mal an, une sorte de « part bénite » , une masse à partager entre des organisations humanitaires ou caritatives plus ou moins concurrentes. Et s'il est vrai que certaines grandes organisations ayant acquis une forte expérience dans le domaine du marketing parviennent à tirer leur épingle du jeu, de nombreuses petites associations peinent à trouver les moyens de leur développement. Il n'est donc pas surprenant que ce type de situation retienne l'attention des économistes.
[...] Comme son nom l'indique, ce régime tire ses caractéristiques à la fois de la concurrence et du monopole. Il tient de la concurrence en ce que, comme les entreprises sur certains marchés, les associations peuvent facilement s'implanter sur le marché de la générosité, surtout avec le progrès des techniques de communication du au développement d'Internet ; elles sont donc potentiellement nombreuses. Et il tient du monopole en ce que chaque organisation s'adresse à des donateurs d'une sensibilité particulière en raison de ses objectifs humanitaires spécifiques (recherche médicale, logement, enfance en danger, aide au tiers-monde, restos du cœur ) ; cette spécialisation lui permet de fidéliser une partie des donateurs. [...]
[...] Dans ces conditions, la bonne stratégie pour recueillir des dons consiste, non seulement à informer les donateurs potentiels, mais à faire jouer la corde sensible ce qui peut se traduire par des opérations marketing spectaculaires, parfois qualifiées de charité- bizness - La seconde réponse s'appuie sur la notion de consommation de prestige empruntée à l'Ecole institutionnaliste américaine ; elle connaît un certain succès dans les pays anglo-saxons[6]. L'hypothèse de base est qu'une générosité affichée constitue un critère de réussite et de standing social plus encore que des dépenses de consommation ostentatoires. [...]
[...] - Le fait de faire appel à des dons volontaires n'est pas sans conséquence pour les organisations humanitaires[8]. Il faut d'abord souligner que le don est davantage créateur de lien social qu'une solidarité imposée ; il permet également au donateur de mieux contrôler l'utilisation de sa contribution qu'en présence d'un budget public. Sans doute les escroqueries sont-elles toujours possibles ; mais la mauvaise gestion, les fraudes et les gaspillages finissent tôt ou tard par être lourdement sanctionnées comme ce fut le cas, par exemple, avec le scandale de l'Arc Par ailleurs, les bénéficiaires de l'aide des associations n'ignorent pas que cette aide ne correspond pas à un droit acquis ; elle apparaît donc moins démobilisatrice qu'une allocation publique relevant de l'assistance. [...]
[...] Avec l'évolution des moyens de communication et des techniques de gestion, la compréhension des relations quasi stratégiques qui s'établissent entre offreurs et demandeurs sur le marché des dons devient essentielle pour établir le bilan coûts/bénéfices des organisations humanitaires. C'est le rôle des économistes d'orienter cette réflexion. Pour des informations générales sur la situation française, on peut se reporter à Edith Archambault : Le secteur sans but lucratif : associations et fondations en France, Paris, Editions Economica. Stéphanie Dupont : Le marché du don, Site Internet au nom de l'auteur. Fondation de France : Observatoire de la générosité, Site Internet. [...]
[...] - La participation de l'Etat au financement de ces actions à but social et humanitaire passe le plus souvent par des opérations budgétaires. On constate par exemple que les modifications de la fiscalité réagissent indirectement sur le montant des dons puisqu'elles modifient les revenus disponibles des ménages ; cette influence est particulièrement sensible chez les titulaires de revenus ou de patrimoines importants[10]. Une pratique courante consiste à accorder aux donateurs des réductions d'impôts pour les inciter à donner davantage. Mais, pour que cette politique soit efficace, il faut que le montant des dons supplémentaires reçus par les associations dépasse la baisse des recettes fiscales perçues par l'Etat. [...]
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