Le syncrétisme religieux en Amérique Latine

Résumé du document

La religion est depuis des siècles centrale dans la compréhension de la région de sud-américaine. La colonisation de ces terres a entraîné des conversions en masse, faisant aujourd'hui de ce continent le plus peuplé en catholiques par exemple. Mais ce quasi-monopole est aujourd'hui remis en cause par une multitude de mouvements, dominée par les organisations pentecôtistes. Celles-ci entrent dans une véritable concurrence qui donne lieu à des stratégies d'accroissement de leur nombre ou leur influence. Jean-Pierre Bastian, grand spécialiste de l'Amérique du Sud et tout particulièrement de la religion sur ce continent, parle de « stratégies religieuses entrepreneuriales, qui stimulent l'élaboration, la diffusion et la consommation de nouveaux produit symboliques dans un régime de concurrence généralisée ». Beaucoup de ces mouvements atteignent des tailles de plusieurs centaines de milliers de fidèles, sur le plan national ou international. Un phénomène d'une telle ampleur est unique au monde.
Il convient donc de réfléchir aux causes et aux circonstances d'une telle explosion syncrétique. Pourquoi et comment de tels mouvements religieux se sont-ils développés en Amérique du Sud ?
Nous verrons dans un premier temps que ces mouvements syncrétiques s'inscrivent dans un cadre religieux ouvert à un renouveau suite au démantèlement du monopole des religions traditionnelles, puis nous étudierons ce renouveau religieux et la situation concurrentielle qui en résulte.

Extraits

[...] En milieu rural, notamment dans les sociétés indiennes, les nouvelles sociabilités religieuses sont adoptées par les secteurs dominés de la population, spoliés de l'accès à la terre. La rupture avec le catholicisme est alors un moyen de faire grève des mécanismes de domination et de combattre sur le terrain religieux et politique le monopole détenu par les caciques. Croissance des mouvements religieux pentecôtistes moins spectaculaire mais tout aussi systématique. Double facteur : faible présence de l'EC dans les régions rurales éloignées, autonomie relative des pratiques religieuses dans la période coloniale, interaction constante entre ces régions et les périphéries des villes de paysans. [...]

[...] Face aux dictatures, l'épiscopat avait serré les rangs mais le retour au gouvernement civil a fait apparaître les clivages au grand jour. Si l'Eglise s'est si bien implantée dans les milieux populaires, c'est partiellement grâce aux CEB, mais on assiste aujourd'hui à une paralysie voire à une régression. Leur implantation varie beaucoup d'une région à l'autre. Les 2/3 des communautés urbaines catholiques sont rurales (on y reviendra). L'évolution des sociétés a particulièrement affecté les CEB implantées dans les zones où dominent les catégories sociales les plus élevées. [...]

[...] (Brésil) L'EC conserve une capacité de mobilisation importante dans certaines régions rurales, marquées par les problèmes agraires, à travers les CEB ou à travers des pratiques religieuses originales telles que les romarias de la terre Mais la progression des sectes protestantes à mis à jour des problèmes plus anciens : comme la fragile implantation de l'EC en milieu urbain, auquel son caractère bureaucratisé la rend peu adaptée. C'est assez paradoxal lorsque l'on voit que près de 75% de la population du Brésil a subi une urbanisation accélérée ces dernières années. L'avenir du catholicisme au Brésil dépendra de la capacité qu'aura l'Eglise à relever ce défi. Les Eglises pentecôtistes vont plutôt se développer dans les périphéries urbaines, auprès des travailleurs ruraux et des salariés, les couches les plus pauvres et notamment es femmes. La grande majorité dit avoir été catholique mais peu viennent des CEB. [...]

[...] L'élite sociale formée par la TL en tant que représentant et éducatrice du peuple, a ainsi trahi son message. Alors que les pauvres aspiraient à un vrai changement, à une nouvelle chrétienté qui allierait religion et libération sociale, la TL a abandonné son mouvement. Corten parle d' hérésie populaire pour qualifier ces mouvements souhaitant un vrai renouveau, que la TL n'a pas su accompagner. En acceptant de rentrer dans le jeu de la hiérarchie, elle a condamné sa théologie à l'échec car, issue des milieux populaires, elle ne bénéficiait pas d'assez de moyens et de relations pour imposer sa vision. [...]

[...] Alors que l'EC a célébré en 1992 les cinq cents ans d'évangélisation en Amérique Latine, elle se trouve confrontée pour la première fois de son histoire à une concurrence majeure. C'est à partir des 50's que des dizaines de sociétés religieuses diverses et rivales ont vu le jour. Certaines sont de faible importance et d'autres mobilisent des millions de fidèles. Pour la première fois, l'EC ne parvient plus à réguler les croyances, désormais, les nouveaux acteurs religieux agissent en opposition à l'Eglise catho et parviennent à menacer son monopole. [...]