En ce début de XXIe siècle, la France - pays développé à économie de marché - connaît de graves problèmes sociaux concentrés sur une population de plus de quatre millions de « nouveaux pauvres ». Marginaux, exclus, sans domicile fixe, ces personnes accumulent souvent handicaps, blessures de la vie et chômage de longue durée. Ils constituent ce que le sociologue Michel Wievorka nomme le kaléidoscope de la pauvreté, ensemble hétéroclite de manifestations du monde actuel que les pays riches ont engendré mais se refusent souvent à voir et à résoudre.
Ce constat n'est pourtant pas nouveau, et la IIIe République a fait naître la doctrine du « solidarisme » pour répondre à la question sociale de la fin du XIXe siècle, en particulier le problème de la mendicité. L'un des pères de ce mouvement, Léon Bourgeois, définissait la solidarité comme le devoir mutuel d'assistance dans la chaîne de solidarité humaine, la nécessité d'organiser l'égalité sociale et une justice corrective.
Les solidarités sont dès lors les biens interhumains d'ordre affectif ou d'ordre moral rattachant plusieurs personnes autour d'objectifs ou de valeurs communes. Sur le plan social, elles consistent en actions d'assistance, héritières de la charité religieuse et des mouvements philanthropiques.
Comment donc les solidarités s'expriment-elles dans le monde actuel, marqué par la mondialisation, l'accélération des échanges commerciaux, l'exacerbation de l'individualisme et de l'hédonisme? Sont-elles suffisantes? Les préceptes du « solidarisme » sont-ils en France encore des supports pertinents pour entretenir la cohésion sociale et promouvoir une culture de la solidarité?
Bien que la question des solidarités puisse trouver de larges expressions dans les sociétés des pays de développement, marqués par des rapports traditionnels et culturels différents et un sens du groupe d'appartenance encore vif, le propos vise d'abord les sociétés des « pays du Nord », en particulier la France, même si des comparaisons peuvent utilement l'éclairer.
[...] Il s'agit d'un effet de la solidarité comme moyen politique Les nouvelles solidarités se développent par l'accroissement des synergies entre acteurs publics et privés de l'assistance. Reconnues d'utilité publique, subventionnées ou encouragées par des dispositifs fiscaux incitatifs (par exemple, le crédit d'impôt ou la réduction d'impôt), les fondations, institutions et autres structures privées oeuvrant dans le champ social (Secours Populaire, Catholique, Armée du Salut, Mie de Pain, etc.) font bénéficier aux décideurs publics d'une expérience de terrain au contact des nécessiteux. [...]
[...] Qu'elles soient traditionnelles ou organisées et institutionnalisées, les solidarités sont aujourd'hui en crise, et ni le repli identitaire, ni la doctrine libérale n'apportent d'alternative satisfaisante Pour sortir d'une telle impasse, il paraît indispensable de réinvestir dans une culture de la solidarité associant tous les acteurs sociaux, économiques, éducatifs et culturels (II). I. Face à la crise multiforme des solidarités dans le monde actuel, tant le repli identitaire ou le communautarisme que la fuite en avant de la régulation par le marché sont inaptes à la résoudre de façon durable et efficace A. Les formes et les lieux d'expression des solidarités traditionnelles et contemporaines sont en situation de crise profonde 1. [...]
[...] Nous recevons la Terre comme héritage de nos ancêtres, et nous l'empruntons à nos enfants dit un proverbe africain. Renforcer la solidarité aujourd'hui comme moyen de transmission et de filiation historique, n'est-ce pas dans le même temps oeuvrer à l'amélioration de l'héritage de nos enfants? [...]
[...] En France, ce type de solidarités existe dans certaines grandes villes. Il s'agit de relations très organisées et efficaces : la communauté asiatique parisienne organise ainsi une tontine collecte communautaire des fonds pour l'achat de fonds de commerce dans certains quartiers d'implantation, à l'instar du triangle d'or dans le 13ème arrondissement ou du quartier du textile dans le 11ème arrondissement; les communautés africaines effectuent des transferts de capitaux vers leurs familles d'origine, cette aide étant d'ailleurs supérieure au montant de l'aide publique au développement. [...]
[...] De même, les liens de solidarités intergénérationnelles connaissent de profondes mutations : avec l'industrialisation et l'Etat Providence, accompagnés par le travail féminin et l'allongement de la durée de vie depuis plus d'un demi-siècle, les générations ne vivent plus sous le même toit. Dotés de retraites, les vieux peuvent plus aisément vivre leurs derniers jours chez eux ou sans l'aide des jeunes, à domicile ou en maison de retraite . quitte à souffrir de solitude. Autrefois, jeunes et vieux étaient liés par des solidarités imposées par la nécessité. Elles n'en demeuraient pas moins réelles. [...]
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