Dans un article du Monde daté du lundi 18 novembre 2013, l'éditorialiste Michel Noblecourt s'interroge sur la présence des syndicats lors des manifestations contre l'écotaxe : « dans le tourbillon de jacqueries sociales, ou plutôt fiscales, qui sillonne la France, où sont passés les syndicats ? » Ici, l'éditorialiste constate l'absence des syndicats sur certains sujets qui, aux yeux des Français, sont importants.
Le syndicalisme a partie liée avec la généralisation de l'économie de marché et l'essor du salariat. Dans un premier temps, les grèves et les groupements de salariés sont illégaux : en France la loi le Chapelier de 1791 interdit « les coalitions ». En Europe, la reconnaissance du fait syndical se généralise peu à peu, en 1826 pour la Grande-Bretagne et en 1884 pour la France. S'en suit la création des premières confédérations avec les TUC en Grande-Bretagne en 1858 et la CGT en France en 1895. Avec l'essor de la production en grande série se développe un syndicalisme d'industrie. À partir des années 1930, le syndicalisme connaît plusieurs évolutions de fond avec l'émergence de syndicats de masse et l'institutionnalisation des relations professionnelles. Cependant, depuis des années 1980, on constate plusieurs signes qui attestent d'une crise du syndicalisme. Les syndicats font face à une certaine désaffection, une baisse d'audience, ainsi que d'une baisse des conflits au sein des entreprises.
[...] Ce type de rassemblement concurrence d'une certaine manière les syndicats, même s'ils sont moins bien organisés. Contrairement aux syndicats, les coordinations prennent le problème à bras le corps et n'ont pas de limites institutionnelles. Elles sont créées dans le cadre d'un mouvement social spécifique. Ces organisations éphémères concurrentes des syndicats se sont mobilisées par exemple dans le cadre de la grève des infirmières en 1988, ou des mouvements d'enseignants contre leur ministre Claude Allègre en 1998 et 1999. Nous avons l'exemple cité en introduction : la mobilisation des bonnets rouges en Bretagne. [...]
[...] La précarité peut aussi être vu comme une cause du déclin du syndicalisme, avant un ouvrier avait conscience d'être un prolétaire et le revendiquait ouvertement, aujourd'hui faire partie des populations pauvres n'apparaît pas comme une raison légitime pour les populations concernées de revendiquer leurs intérêts. On peut constater tout simplement le chômage de masse qui apparaît à la fin des Trente- Glorieuses les individus au chômage n'ont plus aucune raison de faire partie d'un syndicat s'ils sont au chômage. Les causes du déclin du syndicalisme évoluent, le déclin se fait sur la durée. [...]
[...] Ces affirmations sont moins vraies dans le public, où les fonctionnaires se mobilisent plus facilement. En effet, dans la fonction publique il y a un taux de syndicalisation plus élevé que dans le secteur privé. Les fonctionnaires n'ont pas la menace du licenciement et leurs revendications sont d'ordre général, la mobilisation est donc plus aisée. Face à ce constat de baisse des jours de grève dans les entreprises, Albert Hirschman dans Exit, Voice or Loyalty développe un modèle qui pourrait expliquer la diminution des JINT. [...]
[...] La majorité des revendications aujourd'hui passent outre les syndicats. La baisse des conflits au sein de l'entreprise a amené les individus à s'intéresser à des conflits en dehors du travail. Ronald Inglehart a théorisé le passage d'une société matérialiste à une société postmatérialiste, ce passage aurait contribué à l'évolution des besoins et des valeurs, et par conséquent des revendications. Le sociologue Alain Touraine explique quant à lui que les conflits sociaux sont aujourd'hui animés par les mouvements sociaux. Selon lui, la société industrielle était animée par les mouvements ouvriers dont les conflits portaient sur le partage de la valeur ajoutée. [...]
[...] On peut également distinguer une autre cause du déclin du syndicalisme : la diminution des conflits au travail. On constate une baisse des jours de grève ; cela se traduit-il par une baisse de l'influence des syndicats ? Pour évaluer le nombre de jours non travaillés, il faut utiliser l'indicateur des JINT (journées individuelles non travaillées). Il est très utilisé pour constater l'importance des grèves. À titre d'exemple, on comptait 3,5 millions de JINT en 1975, et en 2004, soit 14 fois moins de JINT. [...]
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