Depuis quelques années, la France connaît une profonde remise en question de son modèle d'intégration qui découle des fondements-même de la République. Cette remise en question provient de lieux et de groupes divers constitués pour leur grande majorité de personnes liées à l'immigration postcoloniale (associations de harkis, d'anciens colonisés), mais surtout de leurs descendants, nés sur le sol français, qui regrettent de ne pas se voir considérés comme français à part entière et qui dénoncent les discriminations dont ils sont victimes ; de l'Etat français, même si cela peut paraître contradictoire, à travers la constitution d'un arsenal juridique fort voué à combattre ces mêmes discriminations et le racisme ; ainsi que du monde intellectuel avec un grand nombre d'ouvrages développant cette question.
L' « affaire du foulard islamique » ainsi que la « crise des banlieues », survenue à la toute fin du mois d'octobre 2005, ont montré à quel point les populations issues de l'immigration postcoloniale demandaient à ce que leur colère face au non-respect de leurs droits à l'égalité et à la différence soit entendue au sein de l'espace politique et public. La France, selon eux, ne leur laisserait pas le droit d'exprimer leurs particularités culturelles, d'être fiers de l'héritage légué par leurs parents, d'origine étrangère, et qui fondent en partie leur identité, sans remettre en question leur appartenance à la société française. De plus, ils se sentent victimes d'un racisme latent mais qui n'en serait pas moins bien concret, qui serait la cause de leurs difficultés à parvenir à trouver un emploi, un logement, à fonder un foyer sécurisé.
Ces événements ont « enflammé » le débat, on a pu entendre, voir s'exprimer des opinions diverses et variées, elles regrettaient en majorité l'usage de la violence, plus ou moins symbolique (des biens matériels de citoyens « qui n'y étaient pour rien » ont quand même été détruits ), mais certaines comprenaient la colère exprimée par ces jeunes. On a cependant pu observer des réactions de rejet de ces revendications, insinuant que leur « incapacité à s'intégrer » était liée à l'incompatibilité des valeurs transmises par leurs ascendants dont ils seraient les porteurs avec celles de la République. Leurs différences seraient même, selon certains, antagonistes à la culture française.
Cette vision ethniciste est symptomatique du problème irrésolu de la question de l'altérité en France, nation qui se veut prôner l'égalité, la fraternité et la liberté de tous les citoyens sans distinction de "race", d'origine et de religion.
Nous souhaiterions dans le cadre de ce dossier, approfondir notre compréhension du débat actuel sur l'altérité dans l'espace politique et sociale à la lumière des notions d'ethnicité et de racisme telles qu'elles sont aujourd'hui utilisées, de façon explicitement ou non. Mais dans un premier temps, nous allons nous appliquer à expliciter les raisons qui, dans la société française, rendent complexes le fait de penser les différences et par cela inconcevable l'idée de multiculturalisme selon le modèle anglo-saxon.
[...] Renaut, dans Alter Ego: Les paradoxes de l'identité démocratique, Aubier, Paris p La source de cette citation n'est pas transmise aux lecteurs. P. Savidan, reconnaissance des identités culturelles comme enjeu démocratique” ( références de la revue égarées ) p S. Mesure et A. Renaut, op.cit. A. Honneth, reconnaissance : une piste pour la théorie sociale contemporaine” (références de la revue égarées) P. [...]
[...] Sociologie d'aujourd'hui dirigée par G. Balandier, PUF, Paris P. Simon, république face à la diversité : comment décoloniser les imaginaires in La fracture coloniale. La société française au prisme de l'héritage colonial, P. Blanchard, N. Bancel & S. Lemaire (eds.), p. [...]
[...] Cf. “Nous sommes les indigènes de la République ! Appel pour les Assises de l'anti-colonialisme post-colonial, publié le 19 janvier 2005, en ligne sur le site TouTEsEgaux http://toutesegaux.free.fr P. Poutignat & J. Strieff-Fenart, Théories de l'ethnicité, PUF, Paris A. Bastenier, Qu'est-ce qu'une société ethnique? Ethnicité et racisme dans les sociétés européennes d'immigration, coll. [...]
[...] 237- 254. A. Mbembé, République et l'impensé de la in La fracture coloniale, op.cit., p. 139-153. H. Arendt citée par S. Mesure et A. [...]
[...] Les principes républicains La République est le seul système politique et social qui affirme que chacun a le droit à une place, en fonction de ses efforts et sans considération de son origine ou de sa religion, qui affirme vouloir donner une place à chacun. La nation française a au moins trois dimensions en plus de sa dimension territoriale : culturelle, politique et affective : elle s'incarne à la fois, et parfois de manière contradictoire, dans un héritage historique, y compris religieux, et dans un projet politique constitué d'un certain nombre de principes qui font socle commun, la devise Liberté, Egalité, Fraternité en serait la quintessence. [...]
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