Rencontre du troisième type : la spécificité du travail éducatif dans une salle d’accueil pour toxicomanes

Résumé du document

Dans cette réflexion nous interrogeons le travail éducatif susceptible d'être réalisé dans le contexte d'un espace d'accueil informel pour toxicomanes.
Le travail éducatif « classique » exercé au quotidien dans les institutions grâce à des outils, des techniques, de la réflexion et de la formation peut-il être appliqué de manière similaire face à un public si particulier ?
Chaque jour, des usagers fréquentent cet espace à leur guise, s'asseyent et se posent quelques minutes ou plus… Il n'y a pas de quotidien, ni de travail réalisé en fonction de l'heure ou suivant des impératifs. Les intervenants se doivent alors sans cesse d'inventer, d'adapter leurs stratégies d'accès comme leurs manières d'accueillir, d'entrer en contact, d'ajuster leur positionnement face aux personnes accueillies… Tout en respectant l'approche du public et les objectifs établis par l'institution. Il est clair que chaque éducateur travaillant en établissement et face à un public particulier se doit de composer de la même manière… mais serait-ce plus compliqué de s'adapter et de s'inscrire dans une relation éducative : avec des personnes toxicomane qui fréquentent l'institution à leur guise ? La compréhension et l'étude de ce public seraient-elles plus longues et plus pénibles ? Quels sont en fait les particularismes d'un travail éducatif dans une telle structure ?

Extraits

[...] Dans un premier temps, nous ne nous parlions pas énormément, quelques mots de courtoisie. À l'époque Monsieur C. était encore dans une situation de logement précaire. Monsieur C. fréquente presque quotidiennement l'espace accueil. C'est une habitude qu'il a prise, dit-il. Monsieur C. arrivait souvent dès l'ouverture du centre, s'installait, prenait un café et lisait le journal, une sorte de rituel, une habitude. Il manifestait un certain mécontentement quand nous n'avions pas encore eu le temps de chercher le journal ou que le café n'était pas encore prêt. [...]

[...] La carte du monde est très souvent regardée, de près ou de loin et permet un ailleurs un rêve, un au-delà. Nos collègues sont d'origine cambodgienne et colombienne, nous avons très régulièrement voyagé virtuellement dans leur pays respectifs. Aussi, certains usagers sont d'origine tunisienne ou hongroise ou encore argentaise, ils nous montraient avec plaisir leur ville natale, leur parcours avant la France, etc. De plus, des idées de sorties gratuites ou à prix réduits sont exposées pour favoriser une accessibilité à tous aux loisirs. [...]

[...] Voulait-il nous dire que son souci était sa consommation de cannabis ? Les situations de la sorte sont assez récurrentes dans l'espace d'accueil informel, en effet les personnes ont des difficultés à s'exprimer et nous font part de messages locutoires. Très souvent ils nous interpellent par ses onomatopées : eh, euh, vous là Peut-être nous mettent-ils à l'épreuve afin de vérifier nos limites, et de voir si nous allons réagir en leur rappelant le cadre institutionnel. N'est-ce pas leur manière de marquer leur présence, de solliciter une attention particulière, de nous dire je suis là, occupe- toi de moi ? [...]

[...] Si le travail réalisé dans un centre d'accueil pour toxicomane semble tumultueux, difficile à comprendre et à exercer, nous nous sommes adaptés à la situation. Afin de saisir, d'appréhender et de nous familiariser au travail éducatif d'une telle structure, nous avons tout d'abord cherché à comprendre les politiques de prise en charge des personnes toxicomanes, le fonctionnement de la structure et fait connaissance avec les personnes accueillies. Il a fallu d'autre part s'informer sur les diverses drogues et leurs effets. [...]

[...] Au caractère répressif de cette loi s'ajoute un volet sanitaire dans lequel nous nous sommes inscrits durant notre apprentissage. Nous allons à présent étayer l'historique de la prise en charge et des politiques de soins et pouvoir comprendre comment naît un espace d'accueil, sous quelle impulsion. Le soin Dans les années 1970, l'unique méthode pour traiter les toxicomanes était le sevrage : la trajectoire classique pour le toxicomane était la démarche dans un centre d'accueil puis l'intégration d'une post cure. [...]