Le continent Européen présente, si on en suit l'interprétation de Fareed Zakaria dans son ouvrage L'avenir de la liberté (paru en 2003), le caractère majeur d'avoir été forgé au cours des siècles par l'influence des structures religieuses. L'Eglise Catholique bien sûr, mais aussi les contestations au dogme de Rome comme la Réforme ou l'Orthodoxie schismatique depuis 1054. La construction des communautés nationales européennes s'est accomplie en Europe autour du facteur religieux, notamment contre à travers les conflits religieux qui jalonnent l'Histoire de notre continent (Guerres de religions du XVIème siècle), comme intimement lié à la construction d'une identité nationale.
L'intérêt de la « brève histoire de la liberté humaine » que présente F. Zakaria en guise d'introduction à son propos, est précisément aussi de voir que les libertés fondamentales se sont acquises en Europe par la séparation de la sphère politico-étatique et de la sphère religieuse, c'est à dire le mouvement de sécularisation dont le principal événement déclencheur reste la Révolution Française. Dans cette vision, d'ailleurs imparfaitement et différemment pensée à travers l'Europe, la religion ne peut plus jouer un rôle fondamental dans l'affirmation des communautés nationales, l'Etat et la Nation se substitue à elle pour établir une sorte de « religion laïque » auquel pourrait être attachée les populations européennes.
Cependant au-delà de ce mouvement de sécularisation, qui est au fond pour F. Zakaria, le ciment des libertés européennes par l'affaiblissement de la centralité du religieux, le phénomène nouveau et inédit qui traverse l'Europe aujourd'hui est la crise des institutions traditionnelles, leur désaffection et le recours à de nouvelles pratiques religieuses, largement centrées sur l'importance du facteur mystique de la foi individuelle. Le Pape Benoît XVI parlait peu de temps avant son élection en avril 2005 d'une sorte de « dictature du relativisme » qui exclurait la religion de toute influence sur les communautés nationales européennes. Par ailleurs à ces crises relatives des piliers religieux traditionnels européens, s'affirme avec le phénomène migratoire important des trente dernières années un rôle de plus en plus fondamental de l'islam au sein de populations immigrées, ou issues de l'immigration qui peinent à trouver leurs marques dans une société européenne qui, à l'inverse de leur attachement à la foi musulmane ou du moins à ses traditions, semble donc largement déchristianisée.
Quels sont les défis et les contrastes que révèle cette évolution « vers le bas » de l'attachement religieux en Europe ? Que reste-t-il, malgré le mouvement de sécularisation, de l'influence majeure et décisive des religions traditionnelles au sein des communautés nationales en Europe ? Le fort attachement des populations récemment immigrées aux valeurs et aux pratiques islamiques pose-t-il de sérieux problèmes non seulement aux traditions chrétiennes encore dominantes en Europe, mais aussi s'oppose-t-il, avec certaines autres formes plus affirmées de religion, à la place réduite du religieux en Europe ?
[...] Elle vient s'adjoindre à la permanence de revendications à un magistère d'influence des cultes chrétiens dans le domaine public. La réponse nécessaire aux problèmes que soulève tout à la fois ce double phénomène de particularité de l'enchevêtrement du politique et du religieux dans l'islam et de la permanence des influences politiques des Eglises traditionnelles ne peut être, et c'est cela que défend notamment J.P Willaime, tranché comme Alexandre le fit du nœud gordien. Le modèle laïque français n'est donc peut-être pas aussi adapté que l'on se plaît à le dire, tant il est vrai qu'il présente de réels risques de dérives laïcistes (notamment sur le refus de mentionner l'héritage Chrétien de l'Europe) et n'exclut pas totalement le risque de communautarisation des populations musulmanes. [...]
[...] A l'opposé de cette vision pessimiste d'églises traditionnelles en perte de vitesse et menacées par une sorte d'intégrisme laïcisateur que dénonçait le futur Benoît XVI, la religion prend de nouvelles formes, alors même que la persistance de certains réflexes religieux, notamment en Europe Centrale, nuance l'idée d'une perte absolue d'influence de la religion au sein des communautés nationales en Europe. II : Le succès d'une certaine forme d' orthodoxie religieuse au sein des églises traditionnelles et l'apparition de nouvelles formes de religiosité La recherche de nouvelles formes de foi : Une américanisation de la religion en Europe ? [...]
[...] La création d'un conseil français du culte musulman (CFCM) ne remontant qu'à 2003. Il convient de rappeler que l'idée d'adaptation de l'islam aux spécificités laïques françaises extrêmement fermes, voire même excessives dans l'interprétation actuelle pour J.P Willaime, s'est heurtée à une double opposition extrême. Celle d'une partie des organisations musulmanes présentes en France qui se refusent à voir l'islam dénaturé en quelque sorte, par la laïcité française et ont parfois provoqué d'importantes polémiques du fait de leurs entorses répétées à la laïcité française (les nombreux problèmes de foulard qui ont conduit au renforcement des dispositifs laïques avec la loi de 2004). [...]
[...] Il décrit une sorte de mécanisme de distanciation des pratiques religieuses les plus habituelles, comme l'assistance dominicale à la messe, qui ne serait cependant pas accompagné d'un abandon massif de l'identification individuelle à une religion. C'est l'idée d'un believing without belonging qui domine en Europe, la population européenne continue dans une large majorité à se définir comme catholique protestant ou orthodoxe mais ne pratique plus les rites habituels de cette foi revendiquée. Ainsi en Europe de l'Ouest 75% des habitants déclaraient appartenir à une religion, ce qui représente encore une très nette majorité, même s'il faut noter, pour Willaime, une importante montée de la part des sans religions (passé entre 1981 et 1999 de 13 à qui ont, en quelque sorte, dépassé le stade du believing without belonging pour refuser de se reconnaître dans une religion. [...]
[...] L' »intrusion du religieux reste cependant très dénoncée dans les milieux laïques européens, qui ont d'ailleurs obtenu un certain succès en France. J.P Willaime cite ainsi la controverse engagée sur le thème de l'enseignement de l'histoire des religions à laquelle s'est plus ou moins fortement le milieu laïque, et notamment les syndicats de parents et d'enseignants (FCPE, SGEN). Une sorte de blocage face à la présence du religieux à l'école, même sous une forme nettement moins prosélyte et consensuelle, montre la rémanence d'un affrontement politique entre milieux religieux et milieux laïques . [...]
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