Les débats passionnels qui ont fait écho à la mise sous conditions de ressources des allocations familiales en 1998 ont rappelé combien la politique familiale demeure, en France, un sujet sensible, qui suscite des enjeux tant politiques qu'économiques et sociaux. Cette politique, qui regroupe l'ensemble des prestations versées aux parents ayant des enfants à charge, bien qu'assez récente puisque formalisée en 1939 avec le Code de la Famille, et rattachée en 1945 à la Sécurité sociale, a connu un développement très rapide, bénéficiant d'un fort consensus politique et social, et est aujourd'hui l'une des plus généreuses des pays occidentaux.
Si la famille demeure la cellule de base de la société, cette institution a connu, depuis que le " risque familial " est pris en charge par la Sécurité sociale, de très profondes évolutions sous l'influence de facteurs économiques, démographiques et sociaux, qui supposent une adaptation de la politique familiale. Celle-ci doit ainsi désormais prendre en compte des objectifs très divers, dont la cohérence paraît incertaine, au prix d'une complexification des procédures et d'un éparpillement des structures.
Mais la superposition de mesures de natures distinctes ne suffit pas à définir une réelle politique, qui doit bien davantage se fonder sur des principes ambitieux et cohérents, destinés à remplir certains objectifs déterminés, principes qui apparaissent aujourd'hui pour le moins confus, sinon rejetés. Aspirer à une nouvelle dynamique sociale en faveur de la famille suppose donc de définir quels sont les principes qui guident cette politique.
Si la politique familiale a longtemps oscillé entre universalité et spécialité selon la priorité des objectifs qui lui étaient assignés, elle semble aujourd'hui souffrir d'un certain manque de cohérence, voire d'ambition, qui remet en cause ses principes fondateurs (I). Face à l'éclatement du modèle familial traditionnel et à l'émergence de nouveaux risques familiaux, la politique familiale rencontre ainsi certaines limites, et doit donc faire l'objet d'une vaste réforme visant à sa simplification et à la définition de principes et objectifs renouvelés (II).
[...] Au total, les prestations familiales représentent environ 40% des dépenses de la Sécurité sociale dans les années 1950. L'extension à de nouvelles couches de la population, achevée par la loi du 4 juillet 1975, qui fait de la résidence en France le critère unique d'attribution des prestations à compter du 1er janvier 1978. En définitive, la politique familiale s'est développée selon une ambition universaliste, conforme à ses objectifs initiaux, qui s'est concrétisée par sa généralisation progressive et par l'uniformité des prestations de base sur l'ensemble du territoire, à l'exception des DOM-TOM, qui bénéficient d'un régime légèrement différencié Une spécialisation accrue la prise en compte de nouveaux objectifs : à partir des années 70, dans un contexte de crise économique et de stagnation des ressources de la branche famille, l'objectif de redistribution horizontale a fait place à une volonté plus marquée de redistribution verticale, qui s'est traduite par la mise en place de prestations spécialisées à caractère social, et par la mise sous conditions de ressources de certaines allocations. [...]
[...] Conclusion Plus de cinquante ans après la mise en place de la politique familiale, ses principes fondateurs ne paraissent plus guère adaptés au contexte résultant des bouleversements du cadre familial, si bien que cette politique souffre désormais d'un manque de lisibilité, de cohérence, voire d'efficacité. En effet, elle manque d'une réelle ambition, et se laisse aujourd'hui guider au gré des impératifs économiques ou politiques de court terme. Dans la perspective d'une rénovation de la politique familiale, la question de l'articulation des temps familial et professionnel semble être l'un des enjeux majeurs, qui lui permettront de mieux prendre en compte le nouveau cadre familial. [...]
[...] Plus d'une personne sur dix vit désormais seule. les formes familiales se sont considérablement diversifiées, avec le développement du divorce, de l'union libre, et des naissances hors mariage, donc des familles monoparentales (près de 1,2 millions en 1990). La vie en couple a connu un certain recul, au profit de l'union libre, et au sein du couple, le taux d'activité des femmes a enregistré une très forte croissance, pour ses situer aujourd'hui à environ ce qui bouleverse les modalités traditionnelles de la vie familiale (éducation des enfants, et nécessité de garde essentiellement) l'émergence de nouveaux risques familiaux : ce bouleversement du cadre familial a conduit les autorités à recentrer la politique familiale autour de nouveaux risques sociaux, plus particulièrement de deux types : L'aide aux familles connaissant des handicaps spécifiques : il s'agit des familles comptant un enfant handicapé, puisque les allocations pour handicapés sont versées par les CAF, et surtout des familles monoparentales (principalement des femmes seules avec enfants à charge), qui bénéficient de l'API et de l'allocation de soutien familial. [...]
[...] Une trop grande simplification irait à l'encontre des objectifs poursuivis, mais il est néanmoins nécessaire d'introduire une plus grande logique dans les procédures administratives, afin de limiter les incohérences et les incompréhensions. A cet égard, le rapport Thélot propose les mesures suivantes : l'harmonisation des calendriers annuels de revalorisation ; la clarification des formulaires ; l'harmonisation des justificatifs la mise en cohérence des politiques publiques : la forte prégnance de l'Etat en matière de politique familiale est une des caractéristiques de la politique familiale française, qui, sans être remise en cause, doit faire l'objet d'une redéfinition dans le sens d'une mise en cohérence des différentes politiques publiques qui y ont trait. [...]
[...] Ces prestations font l'objet de très vives critiques, qui leur reprochent d'encourager la fraude, ainsi que la monoparentalité. L'aide aux familles disposant de revenus modestes : outre la sélectivité accrue et la mise sous conditions de ressources de certaines prestations, les CAF gèrent également un certain nombre de minima sociaux, dont le RMI. Ces évolutions du modèle familial traditionnel ont profondément remis en cause les modalités d'intervention de la politique familiale, car les principes qui la guident ne paraissent plus adaptés à ces nouvelles structures familiales, comme en attestent les limites que rencontre désormais cette politique Les apories de la politique familiale des questions sans réponses : en raison de l'incohérence relative de ses objectifs et de la confusion de ses principes, la politique familiale, face aux évolutions des comportements familiaux, peine à définir des réponses aux questions suivantes : la politique familiale doit-elle conserver sa vocation universelle, par le biais de prestations uniformes, ou privilégier la poursuite d'un objectif de redistribution verticale, et accroître la part des prestations sélectives ? [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture