La question de la femme et de son statut à l'intérieur et à l'extérieur de la sphère familiale est une question centrale dans tous les pays arabo-musulmans, et il semble aujourd'hui que cette question prenne de plus en plus d'ampleur avec l'émergence d'un nouveau discours porté par des femmes et ouvrant des perspectives nouvelles pour les femmes. Quels sont les contours de ce nouveau discours ? Comment se définissent ces femmes ?
Ces femmes s'inscrivent dans une démarche féministe d'un nouveau genre, elles sont instruites et cultivées s'expriment ouvertement, s'affichent musulmanes, critiquent les interprétations patriarcales et revendiquent une égalité de traitement en s'appuyant sur les marges interprétatives offertes par la religion. Et c'est là où résident l'originalité et la subtilité de la démarche. En effet, longtemps critiquée pour être source d'oppression envers les femmes, la référence religieuse devient avec ces féministes un support pour la libération de la femme et un cadre qui légitime leurs actions. Surprenant, quand on sait que dans d'autres sociétés, c'est plutôt la « sortie du religieux » du champ politico-juridique qui a amorcé l'émancipation de la femme et a permis le développement de valeurs libératrices, telles que les droits de l'Homme et la démocratie. Dans les différentes sociétés musulmanes c'est tout le contraire qui est en train de se produire : la référence religieuse devient la solution au problème de l'égalité homme-femme et la religion devient le porte-drapeau du combat pour l'égalité.
Il est évident que ce féminisme n'est pas un simple phénomène contestataire de la condition des femmes dans l'espace musulman, mais bien plus. C'est un mouvement en marche qui s'étend de l'Afrique à l'Asie, en passant par le Moyen-Orient et le Maghreb, lequel veut mettre en place et construire un nouveau projet de société ; celui du renouveau de la place de la femme à la fois, dans la famille et dans la société. Ce mouvement réformateur veut offrir une approche alternative des droits des femmes et proposer un nouveau discours sur les rapports homme-femme qui s'exprime à l'intérieur du cadre religieux, en proposant un retour aux sources, une relecture du droit musulman et une réinterprétation des textes sacrés du Coran. L'enjeu n'est pas banal, car il s'agit pour ces femmes féministes de se réapproprier une histoire de laquelle elles ont été longtemps occultées tout en fondant de l'intérieur une prise de parole savante et différente dont « l'enjeu est le pouvoir d'interpréter le passé et donc le présent » , de battre en brèche le privilège masculin et de déchiffrer le patrimoine juridique et religieux. En s'appropriant l'espace du religieux, longtemps réservé aux hommes religieux _les oulémas_ et en dénonçant le monopole masculin de l'interprétation du patrimoine traditionnel, ces féministes exégèses s'inscrivent dans un mouvement de renouveau intellectuel et religieux d'un autre genre. Elles déconstruisent le monopole masculin du religieux et redessinent de nouveaux espaces où le débat religieux critique peut évoluer sans se dénaturer et sans perdre de sa pertinence. Cette démarche peu habituelle dans des sociétés arabo-musulmanes enracinées dans un patriarcat profond, semble amorcer un tournant décisif dans les rapports entre les femmes et le religieux .
Concurrentes potentielles du corps religieux traditionnel, comment ces femmes s'investissent-elles dans la critique et l'interprétation du patrimoine juridique et religieux ? Quels sont leurs particularismes et leurs impacts sur la condition féminine dans les pays arabo-musulmans ? C'est seulement par une description des ces nouvelles féministes exégètes et une réflexion sur leurs motifs, leurs raisonnements et leurs méthodes qu'on pourra mesurer véritablement leurs impacts sur le plan religieux, juridique et sociale. Cette étude sera menée autour de deux axes :
L'émergence d'une nouvelle réalité féministe dans les pays musulmans (I)
L'investissement de l'espace interprétatif masculin (II)
[...] Mais surtout, comment se fait-il qu'il n'y ait pas eu une seule exégèse faite par une femme érudite musulmane ? Et au nom de quel principe islamique on supposerait qu'elle n'y ait pas droit ? Face à cette nouvelle démarche intellectuelle féministe, peut-on considérer que ces femmes portent en elles à la fois, les germes d'un nouveau réformisme musulman et les traces d'une nouvelle construction théologique qui pourrait faire concurrence au corps institutionnel des religieux ? Afin de mesurer les conséquences de l'introduction des femmes dans le domaine réservé des oulémas, et déterminer dans quel cadre pourrait se situer leurs actions, il est important avant tout, de comprendre le processus de réforme historique et critique de la production exégétique. [...]
[...] Sur ce sujet voir notre partie introductive. L'article 35 stipule : Les droits de l'épouse à l'égard de son mari sont : -l'entretien prévue par la loi, tels que la nourriture, l'habilement, les soins médicaux et le logement, -l'égalité de traitement avec les autres épouses, en cas de polygamie, -l'autorisation de rendre visite à ses parents ; et de les recevoir dans les limites des convenances, -l'entière liberté d'administrer et de disposer des ses biens sans aucun contrôle du mari, ce dernier n'ayant aucun pouvoir sur les biens de son épouse L'article 36 : Les droits du mari à l'égard de sa femme sont : -la fidélité, -l'obéissance conformément aux convenances, -l'allaitement au sein, si possible des enfants issus du mariage, -la charge de veiller à la marche du foyer et à son organisation, -la déférence envers les pères, mère et proches parents du mari Article 51-3. [...]
[...] Toutes n'ont pas les mêmes champs de recherche. Certaines se focalisent davantage sur le Coran, d'autres traitant des questions telles que l'islam et la démocratie, l'islam et les droits de l'Homme, ou encore l'islam, la science et la philosophie. Elles ont cependant en commun de vouloir étudier la religion selon les exigences de l'académisme universitaire, à l'aide de méthodes exactes, recherchant une connaissance indépendante. Ces féministes réclament particulièrement leur droit à l'ijtihâd, de même que leur droit à prendre part aux prières, voire à mener ces prières. [...]
[...] Certes, si la lutte nationale propulse la participation féminine en dehors de la sphère familiale, elle empêche aussi, par un effet de retour, l'émancipation des femmes en tant que sujets, tant elle équivaut, pour beaucoup, la perte de ce qui est désigné comme identité culturelle Même les expériences de laïcité dans le monde arabe ne font que transformer les femmes en marqueurs et enjeux de la lutte nationale, et ce, au détriment de leur émergence en tant que sujets autonomes Cette étape dans le processus d'évolution du féminisme a certes apporté quelques progrès sociaux pour les femmes, mais sans un véritable changement dans les profondeurs des structures patriarcales. Les femmes ont désormais droit à l'instruction, au travail, au vote, à la participation politique, etc., des droits pour la plupart, situés à l'extérieure de la sphère familiale, sans pour autant avoir droit à une législation familiale équitable. En effet, c'est autour des législations familiales que se joueront les crispations religieuses et identitaires. Non conformité à l'islam, aux spécificités culturelles, à l'authenticité arabo-musulmane ce sont là les principales objections lancées par le corps religieux contre l'égalité homme-femme. [...]
[...] Les analyses de ces femmes replacent le concept de qawwamun dans le contexte restreint de la maternité et de l'allaitement, limitant ainsi la responsabilité de l'homme à un degré supérieur dans ce cadre précis, uniquement parce que cela équilibre et égalise les tâches de chacun[21]. En se réappropriant les sources scripturaires, ces féministes ne se sont pas pour autant détachées des aspects pratiques et juridiques du statut de la femme. Et c'est en particulier aux règles inéquitables du statut personnel (droit de la famille) que ces féministes vont s'attaquer. Dans leurs arguments, elles considèrent que l'obstacle à la transformation des règles du statut personnel se nourrit de l'idée de la sacralité du droit musulman et de son caractère immuable. [...]
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