Depuis quelques années, le débat sur le passé colonial de la France est omniprésent dans l'espace public. Son surgissement provient de lieux et de groupes divers, dont des associations regroupant des personnes liées à l'histoire coloniale (rapatriés, harkis, anciens colonisés, anciens combattants de la guerre d'Algérie, mais surtout leurs enfants nés en France ou non, ainsi que les descendants d'esclaves) ; de l'Etat français à travers l'édification de « lieux de mémoires » ou le vote de textes de loi organisant la « mémoire officielle » (loi Taubira, loi du 23 février 2005) ; ainsi que du monde intellectuel avec un grand nombre d'ouvrages développant cette question et de l'univers médiatique, qui rend compte de façon régulière de questions liées, de loin ou de près, à la période coloniale.
Ce réveil de mémoire surgit après des années d'occultation de cette longue période de l'histoire nationale, l'absence de débats antérieurs se donne aujourd'hui à voir dans le caractère désordonné et compulsif du surgissement de la question coloniale et de son corollaire, la question postcoloniale ; ainsi qu'il explique la confrontation entre mémoires concurrentes. Ce « retour du refoulé », selon beaucoup, serait en train de faire vaciller la France, touchée dans sa propre identité collective par la remise en question de la manière dont est représentée l'histoire nationale, et en partie « la mythologie de la supposée spécificité du génie français , composé de valeurs révolutionnaires et de mission universelle, de droiture républicaine et de tolérance indifférenciée à l'Autre, de « mission civilisatrice » et de peur de la différence » .
Dans le cadre de ce dossier, nous avons souhaité nous intéresser à un mouvement qui depuis début 2005, s'est officiellement engagé dans la bataille mémorielle mais dont les revendications se veulent on ne peut plus contemporaines, il s'agit du mouvement des « indigènes de la République », mouvement « innovant » en ce qu'il développe, nous le verrons, une analyse des discriminations que subissent les enfants issus de l'immigration en terme de continuum colonial, c'est-à-dire le prolongement des valeurs coloniales (de la « gangrène coloniale [qui] s'empare des esprits » ) à l'œuvre dans la France postcoloniale et dans sa politique de l'intégration.
[...] I - Le mouvement des indigènes de la République et leur Appel aux Assises de l'anticolonialisme postcolonial Le mouvement des indigènes de la République est entré en gestation en juillet 2004, au moment de la très médiatique affaire du RER D. Ses initiateurs sont des militants antiracistes et pro-palestiniens de longue date, tous les militants du mouvement se définissent comme issus des colonies anciennes ou actuelles, et de l'immigration postcoloniale Les deux principaux, Houria Bouteldja et Youssef Boussoumah, sont, pour la première, créatrice du collectif féministes Les Blédardes (opposé à Ni Putes Ni Soumises sur la question du voile islamique) et pour le second, un des coordinateurs des Campagnes civiles internationales pour la protection du peuple palestinien (CCIPP), professeur d'Histoire-Géographie dans un collège. [...]
[...] Le mouvement des Indigènes de la République : la dénonciation du continuum colonial en France Introduction : Le débat actuel sur l'héritage colonial de la France : le symptôme d'un retour du refoulé Depuis quelques années, le débat sur le passé colonial de la France est omniprésent dans l'espace public. Son surgissement provient de lieux et de groupes divers, dont des associations regroupant des personnes liées à l'histoire coloniale (rapatriés, harkis, anciens colonisés, anciens combattants de la guerre d'Algérie, mais surtout leurs enfants nés en France ou non, ainsi que les descendants d'esclaves) ; de l'Etat français à travers l'édification de lieux de mémoires ou le vote de textes de loi organisant la mémoire officielle (loi Taubira, loi du 23 février 2005) ; ainsi que du monde intellectuel avec un grand nombre d'ouvrages développant cette question et de l'univers médiatique, qui rend compte de façon régulière de questions liées, de loin ou de près, à la période coloniale. [...]
[...] Bibliographie Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Sandrine Lemaire La fracture coloniale. La société française au prisme de l'héritage colonial. Paris, La Découverte Esther Benbassa, La République face à ses minorités. Les Juifs hier, les Musulmans aujourd'hui. Paris, Mille et une nuits Laurent Lévy, Le spectre du communautarisme. [...]
[...] Certaines parties de ces entretiens sont retranscrits dans l'article de Jérémy Robine intitulé indigènes de la République : Nation et question postcoloniale” paru dans la revue Hérodote au 1er trimestre 2006. Nacira Guénif-Souilamas (dir.), La république mise à nu par son immigration, Paris, La Fabrique Editions L'absence de majuscule au mot république n'est pas un oubli de notre part. Voir la réponse de Houria Bouteldja aux critiques de l'appel diffusées sur le site internet www.oumma.com Propos tenus par Saïd Bouamama lors d'un entretien avec Jérémy Robine Les indigènes de la République : Nation et question postcoloniale Hérodote, N°120, 1er trimestre 2006, pp.118-148. [...]
[...] Les indigènes insistent sur les représentations dominantes à l'égard des personnes issues de populations anciennement colonisées, qui auraient peu ou pas changé. Un indigène est quelqu'un qui à l'époque coloniale était ni entièrement français, puisqu'il avait un double statut, ni entièrement étranger. Si on adopte cet angle d'attaque, on interroge toutes les discriminations systémiques de la société française. [ ] Le rapport colonial ou l'imaginaire colonial n'est pas un problème lié aux caractéristiques des immigrés, il est un problème lié à la manière dont on aborde l'étranger, et ça c'est un problème français [ ] J'ai un copain Turc qui me dit : mais moi je suis un Algérien dans le regard des gens Selon Saïd Bouamama, il existerait en France trois manières d'appréhender les populations issues de l'immigration des ex-colonies, toutes trois viendraient de l'époque coloniale : une masse à laquelle il faut opposer la méfiance- les discours sur les jeunes issus de l'immigration ; une élite à promouvoir : Dès que quelqu'un a réussi, il ne peut pas être tranquille ; et des femmes à émanciper, même malgré elles. [...]
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