« Ayant déjà fait allusion à ce qu'était la Baleine-Blanche pour Achab, reste à dire ce qu'elle était parfois pour moi.
Sans parler de ce qui saute aux yeux à propos de Moby Dick, et qui peut effrayer l'âme de n'importe quel homme, il y avait une autre image ou plutôt une idée terrible d'elle, indescriptible toutefois mais qui, par son intensité, dépassait parfois tout le reste ; quelque chose de mystique, voire d'ineffable, qui désespérait l'entendement.
Par-dessus tout, c'est la blancheur de la baleine qui m'épouvantait. Bien qu'y ayant déjà fait allusion par ailleurs d'une manière vague du reste, et au hasard de la plume, comment m'expliquer à ce sujet ?
Il est admis que la blancheur, par sa pureté, rehausse la beauté de maintes choses naturelles : marbres, laques, perles (…) »
Dans ce passage, ce n'est pas la quête d'Achab qui est analysée, mais purement la quête de l'auteur que tout un chacun suit, voire est obligé de suivre.
L'auteur se place dans une conception créatrice ; son rapport à la création le transporte, le relie directement à l'Absolu et lui-même ne sait pas vraiment ce qu'il voit ! Pour autant, il essaie de le retranscrire, ou plutôt, à travers une pulsion créatrice, c'est un chant divin qu'il fait s'élever de son œuvre.
[...] On retrouve ici de nouveau le discours normatif de soumission de la tragédie grecque. C'est la métaphore du roseau : que le roseau se plie durant la tempête afin de mieux se relever après ; car s'il a la prétention de se tenir droit et de s'opposer, alors c'est son arrêt de mort qu'il signe, et casse dès la première rafale. Cette idée est une idée charnière du récit, indispensable à sa compréhension, qui rejoint tous les termes de notre thématique : Le poème dans le sens du chant divin, qui vient déborder l'écriture ; de la mort car la quête arrogante de l'Absolu est vaine ; de la mer car s'y illustre l'Absolu qui la possède ; et du savoir de la mer dans plusieurs sens : d'abord celui de l'encyclopédie marine que nous ont livré V.Hugo et H.Melville, puis dans celui de la puissance de la mer (elle détient la toute vérité car l'Absolu la possède), ou encore dans celui de la quête vaine de nos vaillants héros Homériques vers la connaissance de l'impensable. [...]
[...] La domination de la baleine sur les hommes s'illustre dès le début de sa description, puisque ce que l'auteur décrit, c'est ce qui saute aux yeux C'est donc ce qui s'impose à notre regard, qu'on le désire ou non ; ce qui vient sauter l'on pourrait presque dire s'attaquer à notre esprit, s'imposer à notre âme. Par ailleurs, tout un chacun est apeuré, angoissé par cette Vérité qui s'impose, qui l'agresse. Notre âme, si elle n'est pas avertie, peut être effrayée et cela s'applique à n'importe quel homme Ici c'est une idée d'universalité, donc de domination, de puissance qui est développée. L'Absolu est au-dessus de tous les hommes, et nul ne peut y échapper. L'erreur qu'Achab a faite est de s'opposer à ce qui le dépasse complètement. [...]
[...] Moby Dick, Melville, étude d'un extrait Ayant déjà fait allusion à ce qu'était la Baleine-Blanche pour Achab, reste à dire ce qu'elle était parfois pour moi. Sans parler de ce qui saute aux yeux à propos de Moby Dick, et qui peut effrayer l'âme de n'importe quel homme, il y avait une autre image ou plutôt une idée terrible d'elle, indescriptible toutefois mais qui, par son intensité, dépassait parfois tout le reste ; quelque chose de mystique, voire d'ineffable, qui désespérait l'entendement. [...]
[...] C'est donc une idée de peur du châtiment qui s'exprime ici, de châtiment pour avoir mis en péril l'équilibre de l'univers et donc menacé la société de chaos. m'épouvantait désespérait l'entendement C'est la puissance créatrice de Melville qui s'exprime à travers Moby Dick. Lorsqu'il crée, l'auteur nous mène à un questionnement métaphysique indescriptible et impensable. Notamment grâce à la poésie de son œuvre (cf. fiche qui lui permet de déborder la parole et d'offrir un caractère omniprésent à la baleine. Ce sentiment que tout lecteur a pu avoir, de manière plus ou moins consciente lors de la lecture du récit, illustre l'idée développée dans le premier point. [...]
[...] Cette idée de puissance créatrice s'exprime à travers les expressions manière vague et au hasard de la plume, comment m'expliquer à ce sujet ? . L'on voit bien ici que l'auteur se situe en dehors de tout raisonnement rationnel il est investi d'une force divine, il est en contact avec l'Absolu par la Création littéraire. Il vient donc nous poser dans notre for intérieur des questions purement métaphysiques dont nous ne percevons que l'écho. [...]
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