« Comment parler de liberté, d'égalité ou de fraternité dans les villes marquées par l'exclusion ? » Cette question, posée par Michel Rocard en 1988 lors d'un discours devant l'Assemblée nationale, est emblématique de l'idée émergeant alors que les inégalités sociales, se traduisant par l'inégale répartition des populations à l'échelle de l'agglomération, sont en contradiction avec les idéaux républicains.
La notion de « mixité sociale », qui apparaît dans les textes législatifs peu après, dans les années 1990, témoigne de cette volonté d'agir sur le peuplement et le logement pour réduire la spécialisation sociale du territoire urbain. L'accent est mis sur la ville, car les inégalités entre régions se sont réduites parallèlement au renforcement d'une spécialisation sociale des agglomérations, et ces inégalités, à l'échelle locale, sont plus lisibles. La recherche d'un objectif de mixité sociale se fait ainsi par le biais d'une politique de la ville générant des contrats entre les collectivités locales et l'Etat, avec une multiplication des acteurs locaux et un renforcement du pouvoir local.
Cependant les modalités de mise en œuvre d'un tel objectif ainsi que le discours, les intérêts qui la sous-tendent, sont très critiqués par les chercheurs, en contraste avec le consensus politique.
[...] Mais à partir des années 70, les départs furent massifs, et concernèrent bien plus les cadres et les employés que les ouvriers ou les habitants issus de l'immigration. Parallèlement, des immigrés jusque-là cantonnés dans des habitats insalubres, des foyers et des bidonvilles, arrivèrent en masse dans les cités HLM. C'est pourquoi ces grands ensembles concentrent des habitants aux conditions de vie modestes, voire précaires. La ségrégation sociale comme remise en cause de l'idéal républicain En fait, derrière la spécialisation sociale, on retrouve une spécialisation ethnique, dont le processus s'est amorcé dans les années 1970, et qui est perçue comme une menace pour la République. [...]
[...] C'est dans ce contexte que le concept de mixité sociale, notion consensuelle, a émergé. II- La mixité sociale, une valeur consensuelle érigée comme instrument de la préservation et du renforcement de la cohésion sociale L'irruption de la lutte contre la ségrégation dans les discours officiels à partir des années 1970 A compter des années 1970, les termes de diversité équilibre brassage deviennent récurrents dans les discours officiels. Les médias et les gouvernements successifs accordent une grande importance à ces thématiques. [...]
[...] La recherche de mixité sociale est donc le fruit d'un discours qui n'envisage pas des alternatives telles qu'améliorer les conditions de vie de ces territoires socialement homogènes. Le discours autour de la mixité sociale est en effet un discours construit autour d'une certaine vision de la république (d'unité, de participation) ainsi que le fruit d'un travail politique en rapport avec des enjeux plus concret. L'action publique peut par exemple être analysée en rapport avec les enjeux professionnels (apparition de divers métiers de chef de projet, de médiateur et constitution de marchés d'ingénierie sociale et urbanistique) ou avec les enjeux électoraux (abstentionnisme, désagrégation de l'assise électorale traditionnelle de certaines communes, montée des votes protestataires) auxquels elle tenterait de répondre. [...]
[...] La mixité sociale : enjeux et controverses Comment parler de liberté, d'égalité ou de fraternité dans les villes marquées par l'exclusion ? Cette question, posée par Michel Rocard en 1988 lors d'un discours devant l'Assemblée nationale, est emblématique de l'idée émergeant alors que les inégalités sociales, se traduisant par l'inégale répartition des populations à l'échelle de l'agglomération, sont en contradiction avec les idéaux républicains. La notion de mixité sociale qui apparaît dans les textes législatifs peu après, dans les années 1990, témoigne de cette volonté d'agir sur le peuplement et le logement pour réduire la spécialisation sociale du territoire urbain. [...]
[...] Si c'est la crise de l'idéal d'unité et d'intégration qui a fait naître la recherche d'un tel objectif, son application peut elle aussi remettre en cause certains principes de la République, comme l'unité si elle nécessite des statistiques qui distinguent les origines ethniques des populations, ou la liberté, si elle va à l'encontre même des préférences des ménages. Bibliographie A. Anderson et H. Vieillard-Breton, La politique de la ville- Histoire et organisation, Editions ASH G. Baudin et P. Genestier (sous la dir.), Banlieues à problèmes : la construction d'un problème social et d'un thème d'action publique, La Documentation française H. Belmessous, La mixité sociale : une imposture, Librairie l'atalante R. [...]
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