Depuis le lancement des conventions de partenariat entre l'Institut d'études politiques de Paris et des lycées en zone d'éducation prioritaire, les mesures de discrimination positive se sont imposées dans le champ éducatif. Le débat porte désormais moins sur leur opportunité que sur leur importance, leur
ampleur. Ces mesures sont destinées à favoriser l'expression des talents et efforts individuels indépendamment de la provenance sociale.
Il convient donc de se demander dans quelle mesure la valorisation du mérite dans nos sociétés confirme l'égalité de principe dont elle procède ou masque des inégalités injustifiables auxquelles elle répugne.
[...] Partis du même point, les membres de la société démocratique sont censés participer librement à une compétition égalitaire. La situation égalitaire initiale, requise pour légitimer l'appréciation des mérites, reste théorique et fictive. Pour que le mérite constitue un critère d'appréciation légitime et efficace, il convient de s'assurer qu'il s'agit du paramètre principal, sinon exclusif, de l'évolution sociale. Or, comme le souligne notamment Marie Duru-Bellat (Le mérite contre la justice, 2009), l'hypothèse d'une trajectoire méritante estompe les différents paramètres qui permettraient de la valoriser ou inversement de la déprécier. [...]
[...] Elle a cependant pu être modélisée, par John Rawls dans sa Théorie de la justice (1971, trad. fr. 1987) : afin de vérifier que les inégalités sociales et économiques [sont] organisées de façon à ce que [ ] l'on puisse raisonnablement s'attendre à ce qu'elles soient à l'avantage de chacun (second principe) il convient de supposer que les individus choisissent un éventail de possibilités qui caractérise une situation sociale dans l'ignorance des particularités et des positions qui seront les leurs. [...]
[...] Le mérite est la vertu qui justifie les inégalités. Loin de s'opposer à l'égalitarisme, la méritocratie le confirme au contraire en légitimant l'élitisme. L'évaluation des mérites intervient dans le domaine de l'éducation et du travail. La notion concerne essentiellement les performances scolaires et professionnelles, celles que l'on est censé pouvoir apprécier sinon objectivement, du moins avec une efficacité collective. A l'inverse, l'acception purement morale du mérite ne retient pas l'attention du décideur public, car elle semble rester purement subjective et ne paraît pas entrer en rapport avec la notion d'égalité. [...]
[...] Si notre régime politique est bien défini comme égalitaire, il ne se donne pas comme premier objet de remettre en cause les inégalités naturelles. En un sens, il paraît même les consacrer, puisqu'il entend prendre en compte les facultés de chacun. Les individus peuvent espérer un traitement juste si leurs différences sont prises en compte, quelle que soit l'origine de ces distinctions, pourvu qu'elles soient individuelles, c'est-à-dire qu'elles ne soient pas attachées à des appartenances sociales. Une personne doit Être rétribuée pour ce qu'elle vaut, c'est-à-dire pour les qualités qu'elle possède et qui sont valorisées par la société, et surtout pour ce qu'elle fait, c'est-à-dire pour les efforts qu'elle accomplit de façon durable, et même pérenne. [...]
[...] Dans la fonction publique, les grilles indiciaires sont destinées à exprimer la progression des compétences. L'institution d'un droit individuel à la formation, la promotion interne par concours ou par liste d'aptitude devrait donner à chacun la possibilité de faire valoir ses aptitudes et de justifier par ses efforts les prérogatives par lesquelles il entend se distinguer des autres. Au-delà, l'évaluation strictement quantitative des mérites étant toujours sujette à caution, la rémunération au mérite ne peut être mise en place avec profit que si elle ne concerne qu'une part du salaire, si elle fait l'objet d'une entrée volontaire dans le dispositif, si elle permet une progression des résultats. [...]
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