"Je promets de bannir ce vice affreux [le tabac], le jour où on m'indiquera une seule vertu capable de faire rentrer, chaque année, cent vingt millions dans les caisses de l'État." Cette phrase prononcée par Talleyrand au XIXème siècle exprime bien toute l'ambiguïté de l'Etat dans la lutte contre ce que l'on peut appeler les « drogues licites » à savoir principalement l'alcool et le tabac.
En effet même si l'on se représente souvent la puissance publique comme un gros bloc monolithique, la réalité est en fait tout autre. En fait, on devrait bien plutôt parler d'une schizophrénie de la puissance publique. Quelques chiffres peuvent donner une idée de la nature du dilemme.
Pour le ministère des Finances le commerce de la nicotine et de l'alcool c'est avant tout une source importante de recettes pour les caisses de l'Etat. Ainsi pour l'année 2002 la fiscalité sur l'alcool et le tabac a rapporté 12,5 milliards d'euros à l'Etat (soit respectivement 3 milliards pour l'alcool et 9,5 milliards pour le tabac) ce qui représente un peu plus de 5% du budget national.
[...] Le gouvernement a compris que les hausses lentes étaient absorbées par le budget des fumeurs et que seules des hausses brutales auraient un effet dissuasif important, d'abord chez les jeunes. Depuis janvier, les ventes ont reculé de En Grande- Bretagne, parmi les pays d'Europe où le paquet est le plus cher, le nombre de décès dû au tabac a reculé de moitié. Le gouvernement français veut suivre cet exemple avec pour objectif de baisser la consommation de chez les jeunes et de chez les adultes. [...]
[...] On retrouve ici les conclusions de la théorie de l'incrémentalisme développée par Lindblom. Pour résumer les responsables politiques choisissent en priorité la réglementation de la publicité dans leur lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme car c'est la mesure la plus simple à prendre. Les pressions sur les acteurs politiques des secteurs professionnels touchés directement par la réglementation sont réduites et en particulier ne risque pas de mobiliser des courants d'opposition dans les opinions publiques. Enfin, le poids des électorats représentés ou sous l'influence des acteurs directement concernés par la publicité est faible d'autant que l'on a pris soin d'accorder à la presse écrite à un régime de faveur. [...]
[...] La loi interdit pour le tabac et encadre pour l'alcool la publicité directe et indirecte, et interdit le parrainage. Consiste en une interdiction totale de la pub pour le tabac, et un encadrement pour la pub pour les boissons alcooliques. Pour éviter la banalisation de la consommation d'alcool, le texte énumère de manière limitative les supports sur lesquels la publicité pour l'alcool est autorisée. Par ailleurs le contenu des messages publics est plus sévèrement réglementé : les mentions permises par les publicités sont limités. [...]
[...] A travers cette avalanche de chiffres on voit bien qu'à la base de la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme on trouve un problème économique. En utilisant des termes empruntés à l'économie publique, on pourrait dire que le tabagisme et l'alcoolisme produisent des externalités négatives et constituent donc des désutilités. Le problème naît du fait que ces deux phénomènes affectent la productivité et le bien-être de la communauté tout entière. L'analyse économique assigne donc comme rôle à l'Etat de régulariser les effets externes négatifs des consommations abusives de tabac et d'alcool, elle décrit également l'arsenal dont il dispose pour mener sa guerre. [...]
[...] Ce serait oublier que ces mesures sont prises dans un environnement où interviennent des acteurs aux intérêts différents (les viticulteurs, les planteurs, les cigarettiers, les débitants de boisson et de tabac, les secteurs d'activité fortement dépendant de la publicité tels que la presse écrite, etc.) Tous ces acteurs vont réagir aux mesures et adopter des stratégies en réponse. Il existe donc une dimension politique dans la lutte contre le tabac et l'alcool qu'il est nécessaire de prendre en compte. Dès lors, il faudra se demander quelle est la véritable nature des politiques de lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme ? Pour répondre à cette question nous présenterons d'abord les principales mesures prises dans le cadre de la politique de Santé publique de lutte contre les drogues licites avant d'analyser les logiques et la symbolique quelles sous-tendent. [...]
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