Jeunisme, jeune, jeunesse, mai 68, discrimination, individualisme, société en mutation, société, organisation sociale
« Et l'on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens, mais dans l'oeil du vieillard on voit de la lumière » (La légende des siècles, 1859).
Les vers du poète Hugo traduisent la forte symbolique revêtue par la jeunesse et l'âge mur, ce dernier étant traditionnellement associé à la sagesse et le premier à la fougue et à la passion. Or, au lendemain de Mai 68, une construction sociale de la « jeunesse » se fait jour.
Elle devient catégorie sociale à part entière, avec ses revendications, un message et des valeurs propres. L'avènement du culte qui lui est voué a donné lieu à l'invention du néologisme « jeunisme », qui qualifie de manière péjorative la valorisation exacerbée des qualités prêtées au « bel âge ».
[...] Elle devient presque un clan auquel l'on se doit d'appartenir, au risque d'être mis au ban de la société. L'école et les acteurs économiques construisent donc la catégorie de la jeunesse de manière exogène. Mais l'avènement d'internet et surtout l'ascension fulgurante des réseaux sociaux permet également à celle-ci de se construire de manière endogène, en partageant de manière simultanée et à grande échelle un langage et des réflexes communs, dans une illusion d'« entre-soi planétaire. La jeunesse, nouvelle vertu de l'Homme L'âge n'est plus considéré comme la vertu dépeinte par Stephan Zweig (Le monde d'hier, 1944), qui décrit un monde de la sécurité dans lequel les étudiants arborent barbe et lunettes afin d'emporter la reconnaissance de leurs pairs plus expérimentés. [...]
[...] L'avènement du culte qui lui est voué a donné lieu à l'invention du néologisme jeunisme qui qualifie de manière péjorative la valorisation exacerbée des qualités prêtées au bel âge Le jeunisme est une discrimination, au sens strict du terme, qui conduit à opposer la jeunesse au reste de la population, en glorifiant les vertus qui lui sont attachées, à tort ou à raison. Cette nouvelle forme de pression sociale peut être considérée comme un diktat dont l'objet est totalement illusoire, puisqu'il renvoie l'Homme à son vieux rêve d'immortalité. Il s'agit donc de se demander par quels mécanismes le jeunisme entraîne t-il une remise en cause de l'organisation sociale traditionnelle. [...]
[...] En France en 2015, plus de la moitié de la population a plus de 50 ans. Les dieux ayant ôté l'usage de la fontaine de Jouvence aux mortels (La Fontaine, Les Amours de Psyché et de Cupidon, 1669) ceux-ci sont condamnés à recourir à tous les subterfuges proposés par la société de consommation pour refléter l'image attendue, pour ne pas courir le risque d'être laissés pour compte. Nécessairement, il en découle un égocentrisme de nature à détourner l'individu des sujétions de la vie en société. [...]
[...] Ceux-ci se développent et se construisent en marge de la société, du monde des adultes L'école moderne aurait pour tort d'opérer un recul de l'autorité des maîtres en plaçant, conformément aux nouvelles doctrines éducatives, l'élève au centre du processus d'apprentissage, alors que la transmission nécessite un lien hiérarchique un lien avec une figure tutélaire, nécessairement plus âgée et expérimentée. Toutefois, la construction de cette catégorie sociale est également le fait des médias, et de la publicité. Au moyen d'un message juvénile, les grandes marques ciblent leur communication et entretiennent un marché lucratif. [...]
[...] Les rapides progrès de la médecine ont permis un accroissement considérable de l'espérance de vie et entretiennent la chimère de l'éternelle jeunesse. Le jeunisme déploie ses effets dans tous les secteurs : le sport, où les enfants talentueux sont repérés et récupérés à un âge précoce par les grands clubs, mais aussi dans les médias et la politique. Ainsi l'ancien ministre de la Culture Frédéric Mitterrand s'est-il plaint dans le journal Le monde de l'arrêt brutal de son émission Jour de Fred sur France Inter, qu'il attribue à un jeunisme ambiant dans les médias Mais le jeunisme est également une technique marchande servant à vanter les mérites des produits de consommation. [...]
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