De nos jours, de plus en plus de personnes âgées ou dépendantes « font le choix » ou sont contraints d'être soignés à domicile. Ces soins relèvent majoritairement de la famille puisqu'« entre 40% et 60% des personnes à domicile reçoivent la seule aide de l'environnement familial pour 5 à 10% qui ne bénéficient que d'une aide professionnelle ». Les gens ne sont pas seulement des consommateurs de soins, ils en produisent également. Cette production profane des soins n'est, aujourd'hui, pas reconnue et souvent considérée comme allant de soi. L'aidant informel ne bénéficie alors d'aucune reconnaissance qu'elle soit financière, matérielle mais aussi morale.
L'objet de notre étude est alors de montrer plusieurs facteurs explicatifs de l'ampleur de la méconnaissance du travail profane. Il n'est pas aisé de traiter le processus de soins dans son ensemble ; pour cette raison, je ciblerai mon étude sur un aspect particulier de ce processus : les soins à domicile.
Dans une première partie, nous verrons comment l'Etat a professionnalisé les soins, pour ensuite, les réintégrer dans le cadre domestique. Nous reviendrons également sur le terme « d'aide aux aidants » considéré, par Bernard Ennuyer, comme un mot d'ordre des pouvoirs publics.
Après avoir présenté le sujet, nous observerons, dans une seconde partie, les approches sociologiques du travail profane. A travers l'étude de Martine Bungener, nous montrerons que l'intervention familiale est considérée comme allant de soi et que, par conséquent, elle ne bénéficie d'une réelle considération. Nous observerons également, à travers les études de Geneviève Pasche et d'Alexis Ferrand, deux facteurs explicatifs de cette méconnaissance du travail profane de soins : son assimilation aux compétences des femmes et l'ensemble des difficultés relationnelles encadrant ce travail.
[...] Il faut également observer l'ensemble des relations autour des soins profanes. Que ce soient les relations entre les profanes ; entrent les professionnels et entre les profanes et/ou entre les professionnels, la stratégie y occupe une place importante. La société d'aujourd'hui prône un discours sur le patient acteur de sa santé, mais les professionnels de santé sont-ils réellement prêts à prendre en compte l'avis du profane et/ou de l'aidant familial et à leur laisser de véritables marges de manœuvre dans le processus de soins ? [...]
[...] II) Analyse sociologique Nous allons, à présent, étudier différentes analyses sociologiques afin d'étudier l'invisibilité du travail profane dans le processus de soins à domicile. À travers l'étude de Martine Bungener, nous verrons tout d'abord que l'intervention familiale dans le processus de soins est considérée comme allant de soi et cela a pour conséquence de n'entraîner aucune réelle considération. Nous verrons également deux caractéristiques du travail profane : l'assimilation du travail profane à une compétence féminine et l'ensemble des difficultés relationnelles existant autour de ce travail profane. [...]
[...] Ce transfert d'une part de l'activité soignante des professionnels vers la famille reste ainsi peu discuté, voire ignoré. Cette stratégie d'ignorance du fardeau familial, qui confine parfois à la négation, incite plus à penser ces mouvements qui affectent le rôle de l'entourage en termes de permanence et de redécouverte que de rupture. La poursuite des mêmes mécanismes a engendré successivement un processus initial de mise à distance puis une réhabilitation au quotidien, du moins, du rôle du patient et de son entourage comme acteurs indispensables ou producteurs de soins. [...]
[...] L'intervention de l'entourage familial est tout à la fois et parfois simultanément prônée, idéalisée, déplorée pour son absence, et mésestimée ou ignorée. Ce paradoxe s'inscrit dans l'histoire et dans les caractéristiques mêmes de cette production profane de soins qui la font apparaître pour les différents acteurs concernés (les pouvoirs publics, les divers professionnels médicaux, également parfois le patient et son entourage), comme relevant d'un rôle non problématique, quelques en soit les dimensions considérées : historique, médico-technique, individuelle, sociale ou politique. [...]
[...] L'un des outils les plus connus de mesure du fardeau est l'échelle de Zarit, composée de 22 questions abordant les relations avec la personne aidée, le retentissement de l'aide sur la vie de l'aidant et sur son état émotionnel.[12] L'aidant indique la fréquence à laquelle il lui arrive de ressentir différentes émotions, et un score global est calculé à partir de ses réponses. Selon ces réponses, quatre classes correspondant à des niveaux de fardeaux croissants : absent, léger, modéré et sévère sont repérés. D'après SH Zarit, les fardeaux modérés et sévères sont ceux les plus repérés chez les aidants. À travers cet exemple d'évaluation, nous constatons bien que les difficultés de l'aidant doivent être évaluées et prises en compte, pas simplement pour soulager l'aidant, mais parce qu'elles ont des implications directes sur la qualité des soins fournis au patient dépendant. [...]
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