Née du constat, au milieu des années 1970, de l'obsolescence croissante des grands ensembles HLM construits au cours des Trente Glorieuses, « la politique de la ville » a déjà une longue histoire. Mais pour autant qu'elle soit désormais installée dans le paysage des politiques publiques, elle n'en est pas moins une politique toujours contestée : d'abord pour « usurpation de titre ». Censée ne s'intéresser qu'aux quartiers en « crise », elle ne saurait désigner que l'ensemble des politiques urbaines comme pourrait le laisser entendre sa dénomination. Ensuite pour manque d'efficacité. Elle ne paraît jamais tout à fait à la hauteur de ses ambitions à qui observe l'évolution des quartiers d'habitat social auxquels elle s'applique : ils ne retrouvent pas de réelle attractivité, le chômage n'y recule pas, ils ne paraissent pas se réinsérer dans le marché urbain… Quant à sa conduite et à son animation, elle se heurte à bien des difficultés : conflits de légitimité entre les différents niveaux de compétence, déresponsabilisation, détournement des politiques…
Néanmoins, on peut tenter de définir la politique de la ville autrement que par ses défauts, mais tout simplement par son objectif, qui est de faire des quartiers dits difficiles, des quartiers “comme les autres”, dans lesquels les habitants ne souffriraient pas plus qu'ailleurs d'inégalités sociales, économiques ou scolaires. Il s'agit donc de penser la ville et cela, pas seulement à l'échelle des quartiers, mais à un niveau plus global.
Par son caractère innovant, la politique de la ville met également en place des dispositifs rompant avec l' « égalitarisme républicain », faisant un détour par l'inégalité, dans une conception plus exigeante de l'égalité.
Un autre enjeu de ces politiques est le mode d'action qui doit être transversal c'est-à-dire passant par un décloisonnement des politiques sectorielles.
Ces politiques tentent souvent de s'assurer de l'accord de la population, afin que les habitants restent associés aux projets de transformation.
C'est sur ces bases très diverses que, depuis 30 ans, des politiques sont mises en œuvre. Il est difficile de dégager un mouvement harmonieux de leur histoire.
On peut se demander quels dispositifs ont été mis en œuvre depuis 30 ans dans le cadre de la « politique de la ville » et selon quelles conceptions.
On peut d'ores et déjà affirmer que la politique de la ville n'a pas répondu aux attentes qu'on avait placées en elle.
Il apparaît donc légitime d'analyser les raisons de son échec et d'en tirer les enseignements pour l'avenir.
Trois périodes semblent se dégager, à savoir, dans un premier temps, les origines (jusqu'en 1988) qui marquent le tâtonnement de l'action étatique malgré la prise de conscience (I), puis ces politiques furent consacrées (jusqu'en 1998) par les gouvernements suivants, avant qu'après des remises en cause successives, ces politiques deviennent aujourd'hui une préoccupation majeure, au centre des problèmes de société (III).
[...] Il marque le passage de la phase de la prise de conscience à celui du volontarisme politique. Ce volontarisme va se traduire par la recherche d'outils appropriés afin d'agir efficacement. Pour les acteurs de l'époque, il s'agit de contrôler et d'accompagner le développement social des quartiers. En réalité, il ne s'agit pas moins de réinventer la démocratie locale pour produire un développement dont les habitants seront les acteurs. Cette facette peut paraître utopique mais elle est le cœur même de ce dispositif. [...]
[...] Seule, la reconnaissance d'un droit à la sécurité justifie le développement d'une nouvelle procédure contractuelle : le contrat local de sécurité (CLS). Il motive également l'expérimentation d'une police de proximité. Dans un premier temps, l'action de la gauche est donc mince et dans la lignée des politiques des années 90, c'est-à-dire sans vision globale ni originalité. Cependant la remise du rapport Sueur en 1998 va rappeler quelques principes oubliés de la politique de la ville. Tout d'abord, ce rapport prend ses distances avec la discrimination positive, jamais vraiment appliquée et électoralement sensible. [...]
[...] Il semble effectivement difficile de dire que les différentes politiques de la ville ont déclenché une spirale vertueuse dans les quartiers sensibles. En effet, les indicateurs n'ont pas montré une évolution qui pourrait s'assimiler à l'amélioration de la situation sociale et plus globalement des conditions de vie dans ces quartiers. C'est sans doute en raison de la frilosité des élus à s'engager dans l'exercice effectif d'une solidarité par la prise en charge des populations pauvres et/ou immigrées à l'échelle de l'agglomération, relayant en cela les réticences manifestées par leurs concitoyens. [...]
[...] Cette dernière critique est probablement la plus constructive car elle remet en question la définition même de l'action de la politique de la ville, à savoir que ne s'occuper que d'un quartier ne fait que déplacer le problème au sein de l'agglomération. On voit ici poindre la problématique du vivre ensemble au sein d'une communauté. Pour certains, il est impératif d'aller vers plus de mixité sociale en allant au-delà du quartier. II. 1988-1998 : consécration de la politique de la ville comme une politique à part entière A. Le “grand chantier pour la ville” du gouvernement Rocard : une réelle volonté politique pour des résultats limités 1. [...]
[...] Dans cette optique, on peut se réjouir de l'innovation dont ont fait preuve les acteurs publics et ce malgré le manque de moyens. On peut ainsi percevoir un espoir pour l'avenir car la politique de la ville a aussi pu montrer qu'elle avait les moyens de faire évoluer les choses dans les quartiers en proposant une approche souvent singulière des problèmes auxquels elle se trouvait confrontée. Conclusion La politique de la ville est sans nul doute promise à un bel avenir, quels que soient sa dénomination et ses errements. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture