Dans la plupart des discours, on mentionne le parcours du combattant lié à la découverte du handicap. Il s'agit d'abord de la difficulté, très fréquente, pour obtenir suffisamment tôt le bon diagnostic, ensuite l'accompagnement spécialisé, puis bien sûr, les incidences sur la vie familiale, sur la vie professionnelle, mais les conséquences graves sur la fratrie sont rarement évoquées. Il est vrai que dans la littérature, on parle beaucoup des mères, un peu des pères et quasiment jamais des frères et sœurs. De plus, si l'accompagnement des parents d'enfants déficients entre désormais dans l'ordinaire du travail des équipes spécialisées, le suivi des frères et sœurs reste encore trop souvent négligé. Pourtant, ils représentent un élément essentiel et sensible au sein de la famille. Par ailleurs, le père et la mère s'expriment généralement peu sur leurs enfants valides, refusant même parfois à accepter l'idée qu'ils puissent souffrir de la présence du frère ou de la sœur désavantagé. Et les manifestations de mal-être chez l'un d'eux, comme des conduites d'échec à l'école, des troubles du comportement, une inhibition dans les rapports aux autres ou au contraire une hyperactivité visés à attirer l'attention, ne sont pas toujours reconnus à leur juste valeur.
Il me paraît donc judicieux de s'intéresser de plus près à la situation de la fratrie lorsqu'un membre de cette dernière est touché par la différence. Quelle place reconnaît-on à la fratrie d'une personne handicapée ? En quoi la présence d'un enfant déficient dans la famille modifie la construction identitaire de ses frères et sœurs ? Quelles en sont les répercussions sur la vie d'un enfant, d'un adolescent, puis d'un adulte ?
Ainsi, deux ouvrages m'ont permis d'éclairer cette piste. Premièrement, Frères et sœurs de personnes handicapées de Charles Gardou, qui recueille des paroles de frères et sœurs concernés par cette situation et devenus adultes. Deuxièmement, Fratrie et handicap rédigé par la psychologue Régine Scelles et dans lequel elle essaie de comprendre comment les frères et sœurs se construisent psychiquement non pas malgré le handicap de leur pair mais avec cette réalité présente.
[...] Prise de recul A l'âge adulte, certains frères et sœurs ont une démarche de prise de recul. Ainsi, Danièle de Saint-Bois entreprend la réalisation d'un livre racontant l'histoire de son frère pour lui donner sa part d'humanité C'est sa manière de se soulager, de livrer son histoire, leur histoire : la culpabilité me poursuivait jusqu'à ce que je me délivre par l'écriture. Aujourd'hui je ne me sens plus coupable de rien Il est vrai que le moment, où une personne fonde sa propre famille et se lance dans de nouvelles projections, est propice aux modifications de ressentis. [...]
[...] Dans le premier cas, il y a une dimension affective qui modifie complètement la relation à la personne déficiente. Par conséquent, l'expérience vécue dans le passé n'est pas forcément un exemple à suivre ou un idéal auquel on peut se référer. Bien entendu, si cette démarche est associée à un travail sur soi, d'un recul sur le vécu et que le frère ou la sœur discerne parfaitement ce qui relève de sa propre histoire de ce qui va se tramer dans les relations à venir, le domaine de l'éducation spécialisée peut être envisagé. [...]
[...] Il est donc plus facile pour eux d'« accepter leur pair. Ce phénomène me paraît tout à fait logique car lorsqu'on est adulte on ne se sent plus frère et sœur de la même manière. A mon sens, durant l'enfance, les liens de sang entraînent forcément des liens fraternels -obligation de vivre au quotidien avec sa fratrie- alors qu'une fois adulte les relations entre frères et sœurs deviennent une question de choix. Dans certaines situations, chacun des frères et sœurs s'éloignent et n'entretiennent plus ou quasiment plus de relation entre eux. [...]
[...] Et puis, ils ont réellement l'impression de subir le handicap parce qu'ils pensent que c'est à cause de leurs parents si leur pair est différent. Danièle Saint-Bois se souvient qu'à la naissance de son frère un médecin avait proposé à sa mère de l'abandonner. Cette dernière étant obstinée, s'est engagée à assister son fils chaque jour durant. Pour la fratrie, le choix de leur mère a entièrement modifié leur destin à venir. La honte Par ailleurs, la honte est un sentiment fréquemment éprouvé par la fratrie. A cela s'ajoute parfois, la honte d'avoir honte. Sentiment ambivalent et complexe qui perturbe énormément la fratrie. [...]
[...] Au moment de l'annonce du handicap, le problème ressenti par les enfants se place au niveau du sentiment. Pourquoi mes parents sont-ils tristes ? Suis-je responsable de ce malheur ? Le désarroi, l'incompréhension et la peine des parents retentissent indéniablement sur eux. Avant même de prendre conscience du handicap et de ses conséquences, il souffre de voir leurs parents souffrir. Il est donc primordial d'être attentif à leurs questionnements car cela peut permettre de mieux comprendre dans quelle problématique ils se situent. [...]
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