Ne vaudrait-il mieux pas chercher un rythme et des modalités de croissance qui permettent, non pas une seule amélioration générale mais une élévation du niveau de vie de chacun ? La montée du chômage et le développement travail précaire à la suite des deux chocs pétroliers entraîne la redécouverte de la pauvreté structurelle : on parle alors de « nouveaux pauvres », terme que remplace vers la fin des années 80 celui d'exclus. L'exclusion désigne désormais la part maudite de ce progrès, la masse de ceux dont la mise hors jeu est le prix du progrès. Mais peut-on étudier le phénomène de l'exclusion aujourd'hui en France ? Il nous faut d'abord établir que l'exclusion est une notion virtuelle (I) mais qu'elle demeure une réalité (II)
[...] Les modalités de l'identification de la pauvreté peuvent être facilement décelées (référence à des minima, standards des niveaux de vie) même s'il faut être vigilant (prise en compte du lieu d'habitation, nombre de personnes dans le foyer.) Néanmoins, l'absence de revenus est une des caractéristiques partagée par les multiples catégories d'exclu. On redécouvre aujourd'hui les situations d'extrême pauvreté que l'on croyait à jamais disparues. La charité et la philanthropie réapparaissent, en même temps que les peurs sociales avec la montée de l'extrême droite et les décrets municipaux de tous bords interdisant la mendicité. D. Schnapper considère l'exclusion comme un processus dialectique de l'inclusion-exclusion, en sachant que tout groupe social suppose par définition l'inclusion des uns et l'exclusion des autres. Ce n'est donc pas l'état qui est important mais le processus. [...]
[...] Dès lors, le problème essentiel pour de nombreux individus est celui de la menace de perdre la place qu'ils occupent dans la société, c'est-à-dire le lien fragile qui le relie aux autres. L'exclusion apparaît alors comme un phénomène progressif de marginalisation chez des individus qui perdent peu à peu leur affiliation sociale. L'exclusion constitue un phénomène nouveau qui ne peut être assimilé à la pauvreté: il y a des sociétés pauvres qui ne sont pas des sociétés excluantes car elles ont conservé des liens sociaux forts. Or, l'exclu ne se situe plus dans un rapport d'échange avec autrui, il est le plus souvent seul, avec son hétérogénéité propre. [...]
[...] L'exclusion des handicapés apparaît implicitement comme une maladie. Dans une autre perspective, un écrivain exilé en France expose son ressenti d'être exclu de la langue. Etymologiquement, exclusion vient de excludere = ne pas laisser entrer, ne pas admettre. Le dictionnaire Robert de sociologie définit l'exclusion comme action de renvoyer un individu ou un groupe d'un endroit où il avait précédemment sa place. Cette définition renvoie à la notion de désaveu, de reniement. Cette acception est explicitée par Edgar Morin, exclu du P.C.F., dans Autocritique, anticipe sur le sentiment de profonde blessure identitaire qu'éprouvent aujourd'hui ceux qu'on classe ou définit comme exclus Toutefois, la parenté entre l'intellectuel maudit et la population dite des exclus s'arrête la. [...]
[...] Il expose une mutation de la société moderne, qui avait une base verticale et dans laquelle les relations de classes prévalaient. On est in ou out les out se retrouvent dans un vide social. Il n'y a pas de modèle alternatif. La multiplicité des acceptions rend impossible l'exhaustivité dans l'appréhension du contenu de la notion d'exclusion. Les formes de l'exclusion sont infinies un inventaire à la Prévert permet seulement d'illustrer l'inflation des usages de la notion : chômage, revenus, banlieues, logement, éducation, protection sociale, immigration, famille monoparentale, déviance sociale, handicapés, personnes âgées Cependant, des exemples atypiques existent, comme l'isolement et l'auto ségrégation des musiciens de jazz détaillée dans Outsiders de Howard Becker. [...]
[...] Pour Autès, il s'agit d'une invitation à la réflexion sur la construction du lien social autour de la valeur de travail. En effet, le travail est à lui seul production de richesse, expression d'une compétence acquise, lieu où l'individu s'investit, lieu de sociabilité. Meda souligne que le travail est un facteur d'intégration, non seulement parce qu'il est norme, mais aussi parce qu'il est l'une des modalités de l'apprentissage de la vie en société. Aujourd'hui, l'enjeu n'est pas seulement une question de ressource, il s'agit de la qualité du lien social et du risque de sa rupture. [...]
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