« Classes laborieuses et classes dangereuses à Paris pendant la première moitié du XIXème siècle », le titre de l'ouvrage majeur de Louis Chevalier, publié en 1958, semble parler de lui-même et laisse entrapercevoir les conditions de vie difficiles que pouvaient être celles des travailleurs de l'époque. Car, si en 1850, l'Europe est sans nul doute l'espace le plus développé du monde, celui vers lequel tous les regards convergent, les conditions sociales sont loin d'être optimales pour tous. Rien ne semble alors pouvoir annoncer les changements à l'œuvre qui vont profondément transformer la société européenne entre 1850 et 1914.
Par dynamiques sociales, l'on entend en général : « partie de la sociologie qui étudie les faits en évolution, les progrès de la société ». Il est toutefois important de faire quelques distinctions et de nuancer tout d'abord cette notion de « société européenne ».
[...] Attachons-nous dans un premier temps aux déséquilibres sociétaux générés par l'industrialisation intensive des pays de l'Europe de Nord-Ouest. Au sein de ces espaces, l'évolution économique inquiète la paysannerie, qui, comme nous l'avons observé auparavant, subit et est désavantagée par l'explosion des activités tertiaires et industrielles. Cependant, la multiplication de coopératives et le développement de la mutualité agricole témoignent d'un commencement d'organisation moderne, et la propriété paysanne se révèle assez forte et organisée pour jouer un véritable rôle de stabilisation sociale, ce qui permet une acceptation relative des évolutions économiques et sociales. [...]
[...] Les mouvements révolutionnaires multiplient assassinats et attentats. Les partenaires sociaux ne sont pas aussi bien installés qu'en Occident, puisque le politique refuse de les institutionnaliser. Les mouvements de contestation ne se voient reconnaître aucun caractère officiel et légal, mais ne cessent de s'intensifier. Et c'est là tout le tort des élites russes, car, tandis qu'à l'ouest, les Etats reconnaissent un statut aux mouvements contestataires et ne se voient contraints d'intervenir dans la société pour tenter de résoudre la question sociale, en Russie, depuis l'abolition du servage et la fin du règne d'Alexandre II, aucun main n'est tendue vers le peuple, dont la colère gronde et finira par éclater en 1917. [...]
[...] En Allemagne, l'agitation socialiste porte également ses fruits, car c'est justement pour «couper l'herbe sous le pied des socialistes que le Chancelier Bismarck, à la politique pourtant autoritaire, met en place une législation sociale fondée sur des lois d'assurance contre la maladie (1883), les accidents du travail (1884), et la vieillesse (1889). C'est ainsi que naît le socialisme d'Etat en Allemagne, qui fait de celle-ci l'Etat européen le plus avancé en matière sociale. Certains seront tentés d'affirmer que ces progrès sociaux s'accompagnent d'avancées démocratiques, mais il est important de tempérer cet enthousiasme. En effet, la France de la IIIème République s'engage sur la voie de la démocratie libérale, se faisant la synthèse des prérogatives libérales et des revendications démocratiques ancrées dans l'histoire française. [...]
[...] Cependant, d'autres questions sont également parties prenantes des dynamiques sociales de l'époque. Le statut des femmes, par exemple, progresse au cours du XIXème siècle. Le Royaume-Uni est une nouvelle fois avant-gardiste : les suffragettes britanniques commencent leur combat pour l'obtention du droit de vote dès la fin des années 1850, et l'obtiennent, pour les élections locales, en 1865. Les sociétés nordiques jouent aussi un rôle majeur, la Finlande étant le premier état européen à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux femmes en 1906. [...]
[...] S'appuyant sur la liberté d'association depuis 1825 et le regroupement des trade-unions depuis 1833, le mouvement ouvrier britannique s'établit autour de syndicats qui fixent des cotisations élevées afin de disposer des moyens financiers nécessaires pour mener des grèves, verser des indemnités de chômage, de maladie, d'accidents du travail, voire des allocations retraites. Le mouvement ouvrier allemand s'instaure de la même manière, dès le début des années 1860, sur la base de pratiques anciennes telles que le compagnonnage ou l'approche mutualiste. Ce mouvement social démocrate allemand développe d'immenses réseaux de structures d'entraides, d'associations culturelles et sportives, qui engagent un processus d'intégration ouvrière. La perception de la société en classes progresse et celle d'une identité ouvrière également. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture