Depuis ces dix dernières années, l'aggravation des inégalités est constamment dénoncée. Parallèlement, la demande d'égalité n'a cessé de s'amplifier, notamment au nom de l'idéal de l'Etat de droit. Cette revendication se traduit par une sollicitation accrue de l'Etat, celui-ci étant invité à rétablir, par le droit, l'égalité qui fonde sa légitimité.
Dans leur quête égalitariste, nombre de législateurs modernes décidèrent de tenter l'expérience des politiques de discriminations positives, encore appelées affirmative action, mesures positives, actions positives, inégalités compensatrices, programmes d'accès à l'égalité…
Le professeur Mélin-Soucramamnien propose de définir la discrimination positive comme « une différenciation juridique de traitement créée à titre temporaire, dont l'autorité normative affirme expressément qu'elle a pour but de favoriser une catégorie de personnes physiques ou morales au détriment d'une autre afin de compenser une inégalité de fait préexistante entre elles ».
La discrimination positive comme instrument de lutte contre la discrimination correspond à l'idée américaine d'"affirmative action". Née au milieu des années 1960, elle désigne aux Etats-Unis l'ensemble des mesures qui octroient un traitement préférentiel aux membres de certains groupes ayant fait l'objet dans le passé, à des degrés divers, de pratiques discriminatoires juridiquement sanctionnées : les Noirs, les “hispaniques”, les descendants des populations autochtones (Native Americans), les femmes, et parfois les asiatiques.
En 1974, Allan Bakke, un homme blanc d'une trentaine d'années, voit sa candidature à l'une des facultés de médecine de l'Université de Californie rejetée pour la deuxième fois consécutive, alors que des étudiants qui avaient obtenu des scores nettement inférieurs au sien lors des épreuves de sélection ont néanmoins été admis. Les candidats en question appartenaient à des groupes minoritaires (Noirs, asiatiques, chicanos, et Native Americans), pour lesquels était prévue une procédure d'admission spécifique: leurs dossiers étaient examinés séparément de ceux des autres candidats, et 16 % des places leur étaient réservée d'office dans le cadre du programme d'Affirmative Action mis en œuvre par l'Université.
Le premier arrêt de la Cour Suprême des Etats-Unis relatif à l'affirmative action intervient donc en 1978, dans lequel le juge J. Blackmun prononce la célèbre formule : « l'égalité de traitement de certains exige qu'ils soient d'abord traités de manière différente ».
C'est dans ce contexte qu'apparaît en France le concept de discrimination positive.
Tandis que la tradition américaine ne semble plus adaptée aux évolutions de la société moderne et qu'elle fait l'objet d'une vive remise en question, il faut se poser la question des enjeux de cette procédure pour l'avenir de notre République.
Il convient donc d'étudier les fondements de ce dispositif (I), avant d'analyser sa remise en cause souhaitée (II).
[...] Il existe par ailleurs un grand nombre de mesures protectrices et de subventions accordées aux handicapés (ex : allocation adulte handicapé si le taux d'incapacité atteint les 80%). C'est également le cas de l'ensemble des dispositifs en faveur de l'emploi des jeunes, intervenus depuis la Loi du 5 juillet 1977[19]. Mais qu'il s'agisse des mesures d'insertion des handicapés ou des jeunes, certains auteurs émettent des réticences à y voir des discriminations positives, en les qualifiant plutôt d'“ajustements compensatoires” nécessaires. Il résulte de cette série d'illustrations qu'il existe bien en France une pratique de discrimination positive établie par les pouvoirs publics. [...]
[...] Par la suite, l'ensemble des législations adoptées jusqu'à aujourd'hui proclame l'égalité de droit et en fait un des piliers inébranlables de la République. Tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance possède des droits inaliénables et sacrés La France assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion Il en résulte que toute discrimination positive fondée sur les critères de l'origine, de la race ou de la religion sont en principe illégitimes en droit français. [...]
[...] De la nécessité des politiques de discrimination positive Si l'on admet la possibilité d'un traitement inégal pour concrétiser l'ambition d'égalité dans quelles limites est-ce envisageable A. Admission des systèmes correcteurs d'inégalités La discrimination positive à la française forme équitable de l'égalité Parce que la France ( ) assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion toute distinction à caractère ethnique, de pratique courante aux Etats-Unis, est en France inconstitutionnelle. C'est pourquoi nombre d'auteurs considèrent que le problème français n'est pas un problème ethnique mais un problème économique, social et culturel, né d'une crise de “l'égalité-providence Il ne s'agit a priori pas d'un échec de l'Etat-providence, qui a beaucoup contribué depuis 1945 (Etat keynésien), au développement économique et à l'édification d'un vaste système de protection sociale. [...]
[...] La situation des inégalités en France prouve que les procédures égalitaires échouent à produire l'égalité. Certaines populations ont pris un tel retard économique, social, ou culturel que les outils de l'égalité républicaine ne sont plus suffisants pour leur permettre de surmonter leur handicap : seule une action spécifiquement consacrée à leur situation peut les sortir de cette exclusion. La situation sociale de plus en plus explosive réclame en effet l'établissement d'inégalités formelles pour mieux lutter contre les inégalités : une meilleure intégration des plus défavorisés suppose qu'on leur applique un traitement préférentiel “socio-économique”. [...]
[...] Le premier arrêt de la Cour Suprême des Etats-Unis relatif à l'affirmative action intervient donc en 1978, dans lequel le juge J. Blackmun prononce la célèbre formule : l'égalité de traitement de certains exige qu'ils soient d'abord traités de manière différente C'est dans ce contexte qu'apparaît en France le concept de discrimination positive. Tandis que la tradition américaine ne semble plus adaptée aux évolutions de la société moderne et qu'elle fait l'objet d'une vive remise en question, il faut se poser la question des enjeux de cette procédure pour l'avenir de notre République. [...]
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