Dejan Dimitrijevic, "Fabrication des traditions et invention de modernité" : commentaire d'un extrait

Résumé du document

Dans Fabrication des traditions et invention de modernité : "« Inventer » une mémoire pour construire une identité : l'origine bogomile de la nation « Bochniaque »", Dimitrijevic, pour illustrer la manière dont se construit l'identité des peuples, utilise l'exemple de l'Ajvatovica.

Extraits

[...] Enfin, Hobsbawm quant à lui donne une dénomination, dans les années 1980, à ces traditions réinterprétées, à ce mélange ancien-nouveau. Il appelle en effet ces phénomènes : traditions inventées Sa réflexion repose sur la réémergence des nationalismes étatiques et ethniques. Selon lui, dans le contexte de l'industrialisation, les élites tendent à créer des emblèmes, des rituels et à les relier avec le passé. Or, Hobsbawm avance que ce lien est fictif et ainsi que ces rituels correspondent à des traditions inventées. [...]

[...] Ceci permettra alors de prouver la continuité historique et étatique de la Bosnie en tant que pays Bosniaque et non serbe ou croate, mais aussi de montrer que les Bochniaques sont un peuple ancien. Ainsi, les nationalistes bochniaques, pour légitimer leur identité, ont inventé une continuité religieuse. De plus, ils se sont appuyés sur des éléments du passé datant du Moyen-Âge, en faisant disparaitre les périodes non propices à l'élaboration d'une mémoire collective, existant de manière permanente depuis longtemps. De même, les musulmans Bosniaques se sont servis de l'histoire des appellations des populations de Bosnie pour se nommer. [...]

[...] D'autre part, selon lui, les traditions inventées permettent de justifier les actions contemporaines et de créer une cohésion sociale à l'intérieur d'une communauté. Pour finir, il avance que les traditions inventées apparaissent lorsque la société est en pleine transformation. C'est d'ailleurs le cas de la Bosnie puisque le SDA souhaite redéfinir l'identité des Bosniaques musulmans dans le contexte de l'éclatement de l'Ex- Yougoslavie. Conclusion Ainsi, nous nous apercevons aisément, à la lecture du texte de Dimitrijevic et aux théories des auteurs qui s'inscrivent dans la même perspective que ce dernier au niveau de l'invention des traditions, que dans la plupart des cas, les traditions sont inventées ou modifiées afin de créer l'identité d'un peuple. [...]

[...] Aujourd'hui, le terme Bochniaque se détache de ses origines pour être utilisé de manière à désigner l'ensemble de la population de la Bosnie, et ce afin de se distinguer des Croates et des Serbes. Elargissement du concept de fabrication des traditions Enfin, dans cette dernière partie, nous allons voir que certains auteurs, comme Pouillon, Baudrillard, Potterie et Hobsbawm, parlent, comme Dimitrijevic, de la fabrication de tradition. En effet, Pouillon avance que les traditions proviennent du passé mais qu'elles incluent une part d'interprétation de ce passé opérée en fonction des critères contemporains. [...]

[...] La continuité historique dont il est question ici prend racine dans la spécificité culturelle du peuple Bochniaque, qui les uni ; et la volonté des peuples alentours, depuis le Moyen-Âge, de destruction de cette spiritualité. Construire une continuité historique entre Bosniaques musulmans et Bogomiles (minorité hérétique chrétienne, persécutée et vivant au Moyen Age) se fait dans le but de donner aux musulmans bosniaques une image de minorité persécutée, au même titre que les Bogomiles. De plus, par cette invention, le SDA revendique sa primauté sur le territoire. [...]