Tom : Bien sûr, et les chiffres sont connus et nombreux, je rappelle simplement qu'aujourd'hui, la France sélectionne une grande partie de ses élites comme s'il était un pays de 6 millions d'habitants ! Et qu'un jeune issu d'un milieu aisé a quasiment vingt fois plus de chances de fréquenter une Grande Ecole que s'il était issu d'un milieu populaire. Si bien que l'homogénéité sociale des étudiants fréquentant une Grande Ecole ne se contente pas d'être forte, elle se renforce (...)
[...] Il s'agit de faire croire que l'école n'est ni productrice ni reproductrice d'inégalités sociales, mais qu'elle ne fait que révéler des inégalités préexistantes dans la nature. Tom : Et dans tout ce système, le rôle de l'Etat libéral, en tant qu'il assure la justice, serait donc de laisser libre cours aux inégalités naturelles en s'opposant aux logiques sociales tendant produire des inégalités artificielles. Max : Il n'y a donc rien d'étonnant à voir la rhétorique de l'égalité des chances reprise à droite comme à gauche de l'échiquier politique. [...]
[...] Concrètement, il ne peut s'agir que d'un tirage au sort entre des éléments strictement équivalents. C'est comme au Loto, les boules ont les mêmes caractéristiques de poids, de forme, de volume, de densité. Cette forme d'égalité est d'autant plus intéressante qu'elle est irréductiblement liée à la démocratie par exemple par la désignation pour certaines charges par tirage au sort dans l'Athènes antique et celle par tirage au sort, aujourd'hui encore, pour composer un jury populaire. Dans l'un et l'autre cas est postulée l'égalité réelle des citoyens entre eux, leur égale compétence pour obéir à la loi mais aussi pour en décider : dans ces conditions, seul le tirage au sort permet de préserver l'égalité lorsque une responsabilité ne doit être prise que par quelques uns car quand on y pense, même l'élection présuppose l'inégalité entre candidats, ne serait-ce dans l'opinion que les électeurs ont d'eux. [...]
[...] Max : Oui, les politiques d'égalité des chances sont vouées à renforcer les mécanismes de reproduction sociale qu'elles prétendent combattre. Mais elles le font en faisant apparaître ces inégalités sociales comme de simples inégalités naturelles. Ainsi, à défaut de les rendre incontestables, elles les rendent incontestées : chacun ayant eu la chance de faire ses preuves, nul ne peut désormais s'en prendre qu'à la nature en général et à lui-même en particulier. Tom : Alors bonne conscience des élus ou culpabilité et résignation des exclus, la rhétorique de l'égalité des chances est d'une efficacité politique redoutable au service de la conservation de la hiérarchie sociale et ainsi l'idée de l'école plus juste, bien que fortement suscitée, sera avant tout le fruit d'efforts notables, tant au niveau politique que social. [...]
[...] D'un point de vue de gauche on lutte ainsi contre les inégalités sociales. D'un point de vue de droite, on restaure les inégalités naturelles que la société entrave. Dans tous les cas, on peut gouverner dans le plus grand consensus. Le débat démocratique n'a plus qu'à tourner en rond autour de la contestation du caractère naturel de telle ou telle inégalité. Ainsi, puisqu'il a enfin été établi que les inégalités sexuelles ou raciales ne sont pas naturelles mais sociales, il revient donc aux pouvoirs publics de restaurer l'égalité des chances pour que chaque individu puisse faire valoir ses dons innés. [...]
[...] Le problème d'une école plus jus-te est aujourd'hui au coeur de l'actualité et suscite de nombreuses réactions . Tom : Bien sûr, et les chiffres sont connus et nombreux, je rappelle simplement qu'aujourd'hui, la France sélectionne une grande partie de ses élites comme s'il était un pays de 6 millions d'habitants ! Et qu'un jeune issu d'un milieu aisé a quasiment vingt fois plus de chances de fréquenter une Grande Ecole que s'il était issu d'un milieu populaire. Si bien que l'homogénéité sociale des étudiants fréquentant une Grande Ecole ne se contente pas d'être forte, elle se renforce. [...]
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