L'État-providence s'est construit sur un certain consensus : c'était aux pouvoirs publics de prendre en charge la réduction des inégalités, d'assurer à tous les conditions d'accès à la société de consommation et aussi d'assurer chacun contre les risques de la vie (maladie, chômage, vieillesse). L'Etat prenait à sa charge des fonctions traditionnellement dévolues à d'autres (familles, suzerains dans la France féodale, Eglises…) mais que ceux-ci ne pouvaient plus remplir compte tenu de l'évolution de la société. Cette activité de l'Etat a été financée par des prélèvements obligatoires, relativement facilement obtenus pendant la période de croissance rapide, plus difficilement obtenus aujourd'hui. La protection sociale est aujourd'hui mise en cause pour la charge financière qu'elle fait peser sur le budget des pouvoirs publics mais aussi pour des raisons plus fondamentales : les mesures prises ne seraient pas les mieux à même d'assurer la cohésion sociale.
En particulier la montée de la pauvreté et de l'exclusion fait douter de la capacité de l'État-providence à protéger l'ensemble des membres de la société : malgré des dépenses importantes, des dispositifs particuliers ou des actions ciblées, l'Etat n'est pas parvenu, comme on le croyait sans doute naïvement dans les années 50 ou 60, à éradiquer ces phénomènes.
[...] On peut essayer de modifier les conditions de financement du système de protection sociale. C'est ce que l'on essaie de faire en France quand on commence à fiscaliser le financement de la sécurité sociale : la CSG contribution sociale généralisée) est un impôt payé par chacun sur l'ensemble de ses revenus et pas seulement, donc, sur les revenus du travail ; cela augmente l'assiette sur laquelle reposent les cotisations, et donc leur rendement. On peut penser aussi à transformer le financement du système de retraite : on passerait d'un système de répartition à un système de capitalisation, c'est-à-dire un système dans lequel les individus cotisent pour leur propre retraite au lieu de verser leur contribution dans un pot commun, immédiatement réparti entre les retraités actuels, leurs retraites futures étant alors assurées par le versement des actifs de demain dans le pot commun. [...]
[...] Si on les suivait dans leurs revendications, on se dirigeait alors vers un système assurantiel individuel qui s'éloigne de la solidarité. À terme, on pourrait même voir se développer des conflits entre générations qu'entre individus d'une même génération (l'inégalité entre personnes âgées et personnes d'âge actif, sur le plan du risque maladie comme évidemment sur le plan de la retraite) et certains pourraient refuser de payer pour les plus âgés, par exemple. Cependant, les résultats obtenus dans les pays en pointe pour le recul de la protection sociale publique, comme les États-Unis et la Grande-Bretagne, laissent sceptiques. [...]
[...] Sur quoi repose alors le lien social ? Sur les liens qu'entretient l'individu avec une entité abstraite, l'état ? Ce serait un lien social bien désincarné. Et pourtant, c'est le résultat de l'évolution que l'on a connue depuis une cinquantaine d'années. Résultat : si l'état se retire de la protection sociale, c'est le lien social qui se défait, et, en même temps, l'état rencontre de telles difficultés pour financer la protection sociale ou la légitimer aux yeux des citoyens qu'il est bien obligé d'envisager ce retrait. [...]
[...] On peut penser aussi à des questions plus techniques : par exemple, peut-on continuer à asseoir les cotisations sociales (c'est-à-dire les faire reposer) uniquement (ou presque uniquement) sur l'activité ? Certains ont proposé dans cette optique la distribution d'un revenu d'existence à tous également, indépendamment du statut de l'individu ou du fait qu'il ait cotisé ou non. On peut enfin réfléchir sur les difficultés de l'intégration citoyenne, mises en évidence par la montée des incivilités. Bibliographie indicative La crise de l'État-providence. [...]
[...] De Pierre Rosanvallon, aux éditions du Seuil La santé et la crise de l'État providence. Édinter : Puteaux, 1984. [...]
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