Le débat à l'heure actuelle autour de l'identité nationale et de sa conception illustre bien combien les questions liées au nationalisme et l'analyse du sentiment d'appartenance à la nation restent sujettes aux discussions. Cela montre ainsi que le sentiment d'appartenance nationaliste n'est pas un construit figé mais bien une notion en perpétuel mouvement.
Selon les théoriciens de la construction du national, la nation n'est pas considérée comme une donnée qui s'impose à l'Etat mais comme une construction historique et culturelle, qui se serait forgée au fil de l'histoire grâce à des différents facteurs auxquels l'Etat a concouru pour certains. La nation est donc analysée comme le résultat d'une construction identitaire. Certes, la nation provient d'un construit historique, provoqué par divers facteurs, historiques, culturels et politiques. Seulement, le sentiment d'appartenir à une nation ne peut survenir du jour au lendemain et résulte donc d'un processus qui se construit au fil du temps.
La construction du nationalisme doit alors être accompagné par un processus d'assimilation nationale qui permet, au profit dès lors de l'Etat-nation, de former une communauté d'individus qui partagent tous le même sentiment d'appartenance à une communauté homogénéisée tant du point de vue culturel que politique, communauté qui s'identifie consciemment à la nation. Ce qu'on appelle ainsi le nationalisme politique peut être défini comme « l'ensemble des mécanismes sociaux ou politiques visant à créer et à entretenir au profit de l'Etat-nation un sentiment d'appartenance et d'allégeances civiques suffisamment fort pour être porteur de droits et de devoirs » . Autrement dit, l'identification même à la nation n'est pas un sentiment qui surgit de façon ex nihilo mais bien un apprentissage qui permet ainsi d'entretenir le sentiment d'appartenir à la nation. Il faut par conséquent d'interroger sur comment une fois la nation construite, le sentiment national s'est installé dans les esprits. De quelle manière et par quels vecteurs les individus ont acquis ce sentiment, ont fait l'expérience de l'apprentissage du national?
Des auteurs comme Weber donnent une large signification politique à l'existence d'une conscience nationale, le pouvoir politique se forgeant avec et grâce au national ayant tout intérêt à véhiculer un sentiment national ainsi que la notion de citoyenneté. De même des auteurs, Mauss tout particulièrement, accordent quant à eux une place prédominante au système éducatif dans l'apprentissage du national, alors que pour d'autres théoriciens, Eugène Weber et Strayer notamment, se penchent davantage à la baisse de la prédominance des affiliations primaires pour expliquer l'apprentissage du national. Ces différents vecteurs et processus d'apprentissage du national ne doivent pas toutefois être considérées de manière étanche, l'Etat, l'école et le déclin des filiations primaires au profit du national étant trois éléments qui se trouvent en constante interaction.
Nous verrons dans un premier temps que l'apprentissage du national a été essentiellement instrumentalisé par l'Etat, ce dernier ayant tout intérêt à constituer une communauté de « citoyens », nous verrons dans une deuxième que le système éducatif mis en place par l'Etat a également joué un rôle majeur dans l'apprentissage du national. Enfin, dans un troisième temps, nous verrons que, le sentiment national a parfois été confronté aux filiations primaires.
[...] Marcel Mauss considère que 1882, année où l'enseignement primaire public devint obligatoire en France, signe l'avènement du national. En effet, l'école obligatoire permis une scolarisation et donc une alphabétisation de tous les enfants français mais également l'intégration dans les consciences le sentiment national. Le jour où a été fondée l'instruction obligatoire, où l'Etat, la nation légifèrent efficacement et généralement en cette matière, ce jour-là le caractère collectif de la nation, jusque-là inconscient, est devenu l'objet d'un effort de progrès . [...]
[...] Comme l'écrit Weber, l'Etat existe essentiellement dans le cœur et dans l'esprit des citoyens En effet, l'émergence de la citoyenneté, obligeant les individus à se trouver de nouveaux repères identitaires, tend à favoriser la place de l'Etat dans le contrôle de l'identité nationale, créant ainsi une culture politique homogène promouvant une identité politique similaire. L'école Républicaine ou le lieu d'apprentissage du national Une homogénéisation culturelle permise par l'école Gellner, dans Nations et nationalisme, insiste sur l'importance toute particulière du système éducatif dans l'apprentissage du national. En effet, Gellner considère que la révolution industrielle touchant la plupart des pays d'Europe au XIXe et XXe siècle rend nécessaire une formation de qualité. [...]
[...] Seulement, bien que l'apprentissage du national passe par un phénomène d'identification aux restes des individus qui forment la nation, cela passe également par un processus de clôture de l'identité nationale, qui peu à peu, se referme et exclut de fait ceux qui ne peuvent s'identifier à la nation. Yves Déloye, Sociologie historique du politique, Collection repères Weber, Economie et société tome 1 Marcel Mauss, La nation Benjamin R. Barber Sahlins, Frontières et identités nationales. La France et l'Espagne dans les Pyrénées depuis le XVIIe siècle J.R Strayer, Les origines médiévales de l'Etat moderne E. [...]
[...] L'école devient le lieu, parce que c'est l'institution qui concentre les moyens de diffuser une culture et des représentations nationales, de l'apprentissage du national. Le passage du patriotisme communautaire au patriotisme abstrait La consolidation du national par les communautés locales Si le sentiment d'appartenance à la nation est une construction qui part d'un centre politique comme nous l'avons vu précédemment, il peut sembler également pertinent de s'intéresser aux communautés locales villageoises, là d'après certains auteurs où les individus ont commencé pour la première fois à se penser en communauté et acquérir ainsi un embryon de sentiment national. [...]
[...] L'avènement de la nation créé ainsi une sorte de hiérarchie au somment de laquelle on retrouve l'identité nationale. E.Weber considère que l'on ne peut être paysan et français[7]. L'individu doit abandonner, du moins délaisser au second plan ses filiations primaires afin de ne s'identifier prioritairement qu'à la figure du citoyen, pour que l'apprentissage du national puisse être entrepris. En conclusion, nous pouvons dire que l'apprentissage du national résulte de différents phénomènes et vecteurs de transmission qui doivent être combinés les uns aux autres, l'Etat qui se trouve à l'origine de la transmission du national avec notamment la figure du citoyen, mais également l'école qui, aux mains de l'Etat, va pouvoir devenir le lieu de l'apprentissage du national, et enfin le nécessaire passage du patriotisme concret au patriotisme abstrait, c'est-à-dire le passage du sentiment d'appartenance à une communauté locale au sentiment d'appartenance à la nation. [...]
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