Travail, lien et intégration sociale

Thèmes abordés

Travail, intégration sociale, solidarité, socialisation, crise du monde du travail, utilitarisme

Résumé du document

Avec la montée de l'exclusion et la montée des valeurs individualistes (désir de s'émanciper des tutelles, des contraintes sociales), la question de la cohésion sociale, du vivre ensemble resurgit au sens d'Émile Durkheim ; c'est la volonté, la conscience de former un ensemble cohérent, de citoyens dans le cadre d'une morale commune.
Selon Durkheim, la division du travail en métiers spécialisés créée des interdépendances, des complémentarités. C'est ainsi qu'elle est source fondamentale de cohésion sociale, de solidarité organique. En principe, il est donc impossible que la société produise de l'exclusion.
Cependant, avec la montée du chômage de masse et de la précarité, il devient difficile de soutenir que le travail spécialisé reste le support essentiel de la cohésion sociale. Par voie de conséquence, il est donc nécessaire de s'interroger sur les nouveaux moyens à employer pour lutter contre l'exclusion (renforcement des services publics, Etat Providence).

Extraits

[...] La famille fragilisée : La montée des divorces et donc du nombre des familles monoparentales exprime l'aspiration à plus de liberté contre les contraintes sociales. Les nouvelles configurations familiales (monoparentales, recomposées) exercent moins efficacement le rôle de socialisation primaire. Les enfants subissent davantage l'échec scolaire d'autant plus que les parents isolés sont davantage touchés par la pauvreté. De plus, les pères chômeurs ont souvent une autorité contestée. Les enfants ont ainsi plus de difficultés d'une part, à se forger une identité et d'autre part à s'intégrer à la société. [...]

[...] On comprend donc que le travail ne peut plus à lui seul jouer son rôle de ciment social. II. La crise du monde du travail : A. Fragilisation des solidarités professionnelles : Le plein-emploi avait consolidé un sentiment d'appartenance à une classe moyenne mais les politiques de flexibilité de l'emploi ont précarisé et multiplié les statuts professionnels si bien que les chaînes de solidarité ont été brisées. Beaucoup se retrouvent maintenant en situation d'inutilité, de déclassement ou de désaffiliation sociale. [...]

[...] Il est accusé par ailleurs de répandre une mentalité d'assisté, d'irresponsabilité individuelle d'où une tendance à la baisse des cotisations et des prestations sociales. De plus en plus nombreux sont ceux qui revendiquent l'opportunité de choisir librement, rationnellement, sur les marchés ce qu'ils veulent consommer ou les risques qu'ils souhaitent assurer. Cet idéal individualiste libertarien est peu compatible avec l'idéal de solidarité durkheimien, d'autant moins que les instances traditionnelles de socialisation sont en crise. Néanmoins, de nouvelles formes de solidarité d'entraide démontrent que la solidarité reste une valeur forte. [...]

[...] Et enfin, les CDD convoitent la place des CDI. C'est ainsi que l'entreprise flexible où se généralise la lutte des classes devient un milieu anxiogène ; elle n'est plus un espace de sécurité où chacun pourrait élaborer son projet identitaire, consolider son rôle vis-à-vis de ses collèges. Au contraire, chacun est un danger potentiel pour l'autre. Cette rivalité détruit les règles morales ; c'est pourquoi les licenciements sont plus facilement acceptés aujourd'hui et c'est pourquoi également le partage du travail reste suspect. B. [...]

[...] Au fond, le travail est devenu une simple marchandise du fait que les relations soient chosifiées, réifiées . Les valeurs utilitaristes sont acceptables dans une situation exceptionnelle de plein-emploi. Mais aujourd'hui, cette hégémonie du rapport marchand est une des causes du déclin de la citoyenneté et de la solidarité. C'est ainsi par exemple qu'aujourd'hui, il apparaît normal, c'est-à-dire légitime, rationnel, de satisfaire aux exigences d'actionnaires en matière de licenciement. En effet, le licenciement permet d'augmenter la productivité, la compétitivité, il est donc moral. [...]