Peau noire, masques blancs, Frantz Fanon, racisme, colonialisme, indigènes, sexualité
« Une société est raciste ou ne l'est pas. Tant que l'on n'aura pas compris cette évidence, on laissera de côté un grand nombre de problèmes ». Telle est l'une des citations les plus célèbres de Frantz Fanon, grand penseur du colonialisme et des théories postcoloniales du XXe siècle, dans la lignée d'auteurs comme Senghor ou encore Césaire.
D'origine antillaise, et s'étant durant de nombreuses années investi dans une Algérie sous domination coloniale, partagée entre trois entités sociologiques (les européens, les juifs, et les « indigènes »), Fanon, en tant que psychiatre, a longuement réfléchi et mis en exergue les processus de racialisation et de subjectivation du « Noir », induits par les politiques coloniales. Il montre à quel point la colonisation, et le rapport des colonisateurs blancs aux populations « indigènes » d'Algérie, ont pu transformer la vision que chaque colonisé avait de lui-même, à travers un processus de dépréciation de soi, et quelles conséquences cela a induit et continue d'avoir dans le processus de construction de la nation algérienne.
Fanon arrive en Algérie en 1953, souhaitant mettre à l'oeuvre une « sociale thérapie » pour les victimes du colonialisme. Il entend ainsi se battre à une échelle plus large, c'est-à-dire aux côtés de ceux qu'il nomme lui-même « les damnés de la terre », expression par ailleurs prise pour titre de l'une de ses oeuvres les plus célèbres.
[...] Si l'on s'en tient aux propos d'Edward Saïd10, nous pourrions parler d'un nationalisme antinomique c'est-à-dire orienté contre l'Europe, refusant la construction qu'a fait l'Occident de l'Orient. Cela traduirait un nationalisme non fondé sur une réelle concertation, mais davantage sur un antagonisme vis-à-vis de la société envahissante. Cela s'assimilerait donc à un nationalisme initié par une réaction contre l'ennemi, contre l'Autre, le Blanc, l'envahisseur Edward Saïd est un théoricien littéraire, considéré comme l'un des fondateurs des théories post coloniales, notamment par son célèbre ouvrage L'Orientalisme. [...]
[...] Les colonisateurs s'emploient à prendre les femmes des algériens, et mettent les hommes au pied du mur. Ils disqualifient ces derniers par la menace de l'emploi. Si l'on ne prend qu'un exemple, lorsque 8 Frantz FANON, Peau noire, masques blancs, Editions du Seuil les patrons invitent leurs invités avec leurs femmes, ils placent les hommes dans une position délicate : venir avec sa femme, c'est l'exhiber, la prostituer, et ne pas venir c'est ne pas obéir au patron, c'est risquer le chômage. [...]
[...] On observe ainsi un comportement ambivalent de la part des colonisateurs envers les femmes algériennes ; ce comportement est caractérisé à la fois par un fantasme et une agressivité vis-à-vis de la femme. Ils veulent déshabiller les femmes, d'autant plus qu'elles sont voilées. Chez Fanon, le voile montre que la colonie est un espace sexué. Le colonisateur veut la désubjectivisation des indigènes, qui se manifeste aussi par une double défloration de la femme algérienne. On dévoile les femmes voilées sur la place publique et on crie : Vive l'Algérie française voila l'un des gestes les plus symboliques de la situation coloniale. [...]
[...] Il marque une profonde différence de traitement entre le Blanc et le Noir. Tel que l'écrit Fanon, parler une langue, c'est assumer un monde, une culture ; or, la dépréciation par le langage traduit précisément l'infériorisation que l'on fait du monde de l'Autre Le colonisateur, par son discours, va même jusqu'à nier le langage du Noir. Il voit en effet le colonisé comme l'absent de toute langue ; dépourvu de langage, ce n'est donc pas un homme. Le problème du langage est pour Fanon l'un des symboles de la représentation coloniale. [...]
[...] Toute la trame de Peau noire, masques blancs est de se voir comme le colonisateur nous voit. Pour Fanon, parler de culture africaine plutôt que de culture nationale va conduire à un cul de sac, car la culture noire est un mythe créé par les blancs. Conclusion Ainsi, dans Peau noire, masques blancs, Frantz Fanon dévoile de quelle manière est subjectivisé le Noir, l'Indigène, et révèle ainsi la structure du colonialisme, et toutes les conséquences que véhicule la politique coloniale. [...]
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