Le corporatisme médical au Québec (2011)

Thèmes abordés

Corporatisme, pouvoir médical, québec, médecins, soins de santé, dispensation, système de santé, réformes, influences, liberté de jugement et d'action, pouvoir discrétionnaire

Résumé du document

La profession médicale a, de tout temps, fortement influencé les réformes du système de santé au Québec. Cependant, ce pouvoir discrétionnaire de la profession médicale a de nombreuses conséquences, aujourd'hui plus que jamais, sur le système lui-même et sur la prise en charge médicale des citoyens québécois.

Ce travail a pour objectif d'expliquer la particularité du statut des professionnels médicaux dans le système de santé québécois et les conséquences de la particularité de ce statut sur la gestion des soins et des services de santé.

Extraits

[...] Il en résulte que « le système québécois est soumis à une conception de santé qui reste largement tributaire du monopôle du Collège des médecins du Québec »2. Le modèle d'intégration du système de soins promu à partir des années 1990 pour répondre à la complexité croissante des problèmes de santé a conduit les décideurs à reconnaître la nécessité de favoriser l'interdisciplinarité à l'intérieur des équipes de travail où chacun des professionnels assumerait des responsabilités élargies par rapport à son rôle traditionnel. [...]

[...] Bien qu'étant délicate, la question du pouvoir médical est d'autant plus importante que la négociation des frontières entre les différentes professions de santé constitue aujourd'hui un incontournable pour maximiser leur coopération et ainsi atteindre les objectifs poursuivis en termes d'accessibilité, de globalité et de qualité des soins et services offerts au sein du réseau québécois. 1Demers, L., La profession médicale et l'État, dans: Le système de santé au Québec : organisations, acteurs et enjeux, Les Presses de l'Université Laval, Québec chapitre 11, p L.Diallo, les médecins entrepreneurs au Québec : défis et enjeux dans le contexte d'une réingénierie du système québécois de santé, Ph. D Sociologie Université du Québec à Montréal, Mars 2001. 3D. D'Amour, D. [...]

[...] Ainsi, en décidant des contours du travail des infirmières, ces dernières ont le sentiment d'être sous-utilisées, ce qui va à l'encontre des objectifs de la révision du Code des professions de 20023. En dépit de la Loi 90, les médecins n'ont pas renoncé à une part significative de leurs pouvoirs dans leurs rapports avec les autres groupes professionnels. En effet, de nombreux professionnels médicaux perçoivent l'interdisciplinarité comme une intrusion dans leur domaine de compétences et une menace pour leur champ de pratique professionnel4. Or, en refusant de déléguer certaines tâches et certains actes, ils continuent d'exercer un contrôle réel sur les pratiques des autres professionnels. [...]

[...] Ainsi, en exerçant toujours davantage leur liberté de jugement et d'action, ils ont tendance à remodeler le système de soins, malheureusement parfois à contre-courant des objectifs collectifs du système de santé. A titre d'exemple, le corporatisme professionnel est accusé d'entraver l'intégration des médecins étrangers (par le processus de reconnaissance des diplômes) qui pourtant pourrait pallier, au moins partiellement, à la pénurie actuelle au Québec. De plus, le mode de rémunération des médecins par la RAMQ aurait une influence sur le nombre d'actes qu'ils posent et sur le temps qu'ils passent avec chacun de leurs patients. [...]

[...] La profession médicale québécoise a tendance à se distinguer des autres professions de santé en raison de son statut professionnel particulier qui lui confère une certaine liberté d'action et de jugement, la capacité de maîtrise de ses propres actions ainsi que la capacité de détermination de celle d'autres acteurs sociaux, soit la dominance sur les occupations leur étant subordonnées1. Reposant au départ sur leur légitimité auprès des patients, le pouvoir médical s'exerce dorénavant jusqu'au lien d'emploi particulier que les médecins entretiennent avec la Régie d'Assurance Maladie du Québec. En effet, son pouvoir discrétionnaire permet à la profession médicale d'influencer de manière non négligeable sur les acteurs du système de soins et de santé. [...]