Professeur à l'Institut d'études politiques de Paris, Renaud Dehousse dirige le Centre européen de Sciences Po et assure parallèlement les fonctions de Directeur des études au groupement d'études et de recherches "Notre Europe". Dans un essai très vivifiant, contrairement au cynisme quelque peu provocateur de son intitulé, Renaud Dehousse s'appuie sur le "traumatisme" du 29 mai 2005, date qui marque le rejet du projet de traité établissant une constitution européenne.
Renaud Dehousse propose une analyse relativement novatrice de cet épisode marquant du processus d'intégration européenne. Loin de se borner à une interprétation fataliste creuse et pour le moins habituelle du rejet du projet constitutionnel européen, de ce coup d'arrêt qui aurait été fatalement porté à une Europe atone; l'auteur choisit d'exploiter ce non-événement à l'échelle de l'histoire européenne, de l'aborder en termes d'opportunité.
[...] Et maintenant qu'adviendra-t-il de l'Europe ? L'Union européenne traverse actuellement une phase que Renaud Dehousse qualifie de phase d'incertitude En effet, longtemps guidée par l'impératif d'intégration, elle semble avoir peu à peu perdu le sens de sa direction. Et le référendum concernant le projet de constitution pour l'UE n'a fait que ratifier cette tendance. Coup d'arrêt dû à la perplexité conjointe des citoyens et des chefs d'État qui peinent à retrouver le sens du projet européen. La constitution s'efforçait surtout de mettre un semblant d'ordre dans l'édifice institutionnel existant. [...]
[...] La Commission actuelle quant à elle, semble avant tout préoccupée de ce que diront les gouvernements - préoccupation logique semble-t-il puisque ce sont eux qui la choisissent. Mais ceci aboutit à une situation néfaste, où personne ne semble se soucier de tenir un discours cohérent face aux citoyens européens, qui ont pourtant manifesté avec éclat leur volonté de s'approprier les choix européens et d'en comprendre le sens. Comment combler ce fossé entre ces citoyens et les responsables européens ? Il faut impérativement dépasser la césure entre systèmes politiques nationaux et niveau européen pour donner une vie nouvelle aux débats nationaux sur l'Europe. [...]
[...] En somme, le débat constitutionnel était un faux débat, ce qui amputait dès lors la campagne référendaire de son essence même. Cela dit, l'échec de cette campagne n'en est pas pour le moins inintéressant, bien au contraire, il révèle de nombreux éléments à prendre en considération pour mieux concevoir les vrais problèmes et leur trouver des solutions. Avant tout, il s'agit de comprendre pourquoi la méthode référendaire a été préférée, même dans des États sans réelle tradition référendaire. En réalité, l'enjeu était considéré d'une telle importance qu'il allait de soi du point de vue des dirigeants que le peuple devait être consulté. [...]
[...] En effet, à la différence de ces dernières, les élections européennes ne mettent pas en scène des luttes de pouvoir, mais offrent bien aux peuples un pouvoir de sanction à l'encontre des gouvernements nationaux. Les électeurs ont en tête des intérêts nationaux, ce qui explique que pour la plupart des partisans du non il ne s'agissait pas d'un vote antieuropéen, mais plutôt d'un mécontentement exprimé à l'égard du gouvernement en place dans leur pays. Mais si l'Europe a pâti de cette sanction nationale, c'est bien parce qu'elle est avant tout un objet de crainte pour des citoyens qui, face à cette puissance dont l‘ampleur semble vouée à croître de manière inconsidérée, privilégient l'aspect sécuritaire en optant pour un repli sur la sphère nationale qu‘ils maîtrisent mieux. [...]
[...] Créature hybride comme se plait à la désigner Dehousse, n'étant ni une coopération internationale comme il en existe déjà tant parce qu'elle implique à la fois un caractère contraignant et un transfert de souveraineté, ni un État fédéral au vu de la place centrale qu'y occupent les États dans une perspective encore largement teintée d'intergouvernementalisme. Cette originalité se traduit directement et inévitablement dans son fonctionnement. La méthode communautaire, méthode de travail de l'Union européenne, est étonnamment difficile à définir, sans doute parce qu'elle assure l'efficacité de l'Union tout en garantissant sa diversité, et ce à travers de grandes institutions. L'Union européenne est en effet souvent renvoyée à la métaphore d'une machinerie complexe et technocratique. [...]
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