En expliquant dans son ouvrage le régime politique de l'Union Européenne (Sciences Po presses, 2006) "pourquoi la Commission ne peut pas être un gouvernement européen", Paul Magnette prend en compte toutes les acceptions du mot gouvernement. Son but en effet est de montrer que la Commission européenne est à la fois un organe exécutif (sens étroit) et politique (sens large). Il déduit qu'étant à la fois un "secrétariat" administratif et un "gouvernement fédéral", elle n'est ni l'un ni l'autre, mais un organe original, au-delà des "catégories établies". En d'autres termes, la Commission européenne, organe exécutif mais à finalité intégrative, ne peut être défini de manière précise en se conformant uniquement aux critères constitutionnels internes.
Pour arriver à cette conclusion, P. Magnette s'inscrit dans une triple perspective. Il adopte au départ un point de vue évolutionniste. Il souligne l'opposition entre les héritiers d'une conception restrictive de la nature de la Commission "tracée par de Gaulle" et ceux qui "voient en puissance", c'est-à-dire en potentiel de développement futur, un gouvernement politique se rapprochant d'un organe étatique. Il note qu'entre ces deux visions contrastées la situation présente "reste très ambiguë". Ceci est dû en partie aux débats politiques tenant à la nature même de l'Union européenne. Ainsi les défenseurs de la Commission en tant qu'organe exécutif auraient une conception internationaliste de l'Union, alors que les partisans d'un renforcement de la Commission seraient les fédéralistes.
[...] Si elle peut avoir des fonctions semblables à celles d'un gouvernement interne, elles ne peuvent être réellement comparées. Comme le note P. Magnette, ses compétences sont en partie celle d'un secrétariat général d'une organisation internationale classique en partie aussi celles d'un gouvernement Néanmoins, il qu'au-delà de cette hybridité, la difficulté de définir la commission traduit surtout la complexité du système institutionnel et décisionnel de l'Union. A. La Commission : secrétariat diligent mais réprimé du Conseil P. Magnette prend en compte la fonction de la Commission énoncée par le quatrième tiret de l'article 211 du Traité sur la Communauté européenne. [...]
[...] Pour changer cela et faire que la Commission soit un organe d'action propre à la communauté et indépendant des États, le traité de Nice prévoit que sa taille sera rétrécie dans des conditions qui devront être fixées à l'unanimité par les États. Cette disposition semble idéaliste dans l'immédiat, les États étant réticents à abandonner leur représentation au profit de l'efficacité d'un organe communautaire et représentatif de l'intérêt général. Par ailleurs, P. Magnette remarque que l'approbation du Parlement codifiée par le traité de Nice ne suffit pas à en faire un gouvernement politique semblable à celui d'un État. [...]
[...] Il ne faut pas s'étonner dès lors, que la Commission s'organise de manière à avoir le premier rôle dans le développement de l'Union européenne. Aujourd'hui, ce dynamisme est assuré à travers l'organisation interne de la commission. On note ainsi qu'à la manière d'un gouvernement, la Commission est à la tête de plusieurs organismes externes spécialisés, par exemple dans la santé, l'environnement, la santé, ou la sécurité maritime et aérienne. On peut également remarquer que le fait d'avoir un ministre des affaires étrangères de l'Union plaide ouvertement pour la conception de Commission en tant gouvernement fédéral, d'autant que les autres commissaires, s'ils n'en ont pas le titre, assurent néanmoins des fonctions semblables aux fonctions ministérielles internes. [...]
[...] Celle-ci découle de deux facteurs. En premier lieu, chaque État veut préserver son pouvoir dans les domaines qui lui semblent essentiels. Les États ne veulent donc pas donner trop de pouvoir à une institution qui a pour fonction de renforcer l'intégration, et par suite les contraintes communautaires. En second lieu, ils craignent de donner trop de pouvoir à une institution concurrente, et qui en principe est indépendante des volontés politiques de chacun. C'est pourquoi ils invoquent la crainte d'une "technocratie". [...]
[...] C'est pourquoi, même si le Président était élu en fonction des résultats des élections européennes, comme c'est prévu par le Traité instituant une Constitution, il ne pourrait prétendre à être de ce seul fait un "Premier ministre européen". Il faut noter que le Commission ne pourrait non plus être un gouvernement issu du Conseil puisque son rattachement à lui accentue le rattachement aux divers intérêts nationaux. Or un Gouvernement politique fédéral ne devrait prendre en compte que les seuls intérêts généraux pour remplir efficacement son rôle d'intégration. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture