Avant toute chose, il faut mettre en évidence que l'agriculture a eu un rôle pionnier dans la construction européenne. Déjà, les principes d'une politique agricole figuraient dans l'article 39 du traité de Rome et six grands objectifs, résultant d'une nécessité conjoncturelle ainsi que d'une volonté d'aller plus loin dans l'intégration communautaire, lui étaient assignés. Il s'agissait d'abord, devant la situation de dépendance alimentaire, d'accroître la productivité agricole, d'assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, de stabiliser les marchés, garantir la sécurité des approvisionnements et enfin d'assurer des prix raisonnables aux consommateurs.
A partir de cette base théorique, furent définies en juillet 1958 durant la conférence de Stresa les grandes orientations de la future Politique Agricole Commune avant de décider en 1962 la création des premières organisations communes de marché. Celles-ci reposent sur des principes quasi « supranationaux » d'unité de prix, de préférence communautaire, de solidarité financière et d'intervention commune sur les marchés. Comme on le voit, dès le début, la PAC avait pour double mission de permettre une mutation des agricultures européennes vers une plus grande modernité ainsi que s'imposer comme facteur de construction communautaire. Les mécanismes établis cette année-là témoignent d'une grande originalité en combinant un système de prélèvements à l'importation et de primes à l'exportation (protection du marché européen par isolation du marché mondial) avec une garantie de prix élevés non limitée en fonction des quantités produites (stimulation de la production).
[...] Décisive fut la contribution de la réforme dans l'évolution profonde de la législation agricole, à travers la mise en avant de préoccupations qualitatives. Une autre étape de la réforme s'inscrivait dans un objectif ambitieux et plural résumé par ce qui peut être vu comme une norme réconcilier le citoyen, le consommateur avec la politique agricole au moyen de la construction d'une agriculture multi fonctionnelle. À partir de l'ensemble de ces éléments, on peut affirmer que la réforme de la PAC de 92 est le produit d'un ajustement global/sectoriel et interne/externe européen issu de la volonté politique des états membres de l'Union dans lequel la Commission a joué un rôle de médiateur actif. [...]
[...] En effet, le système de prix garantis constituait, par son universalité d'application, le ciment de l'unité syndicale. Les nouveaux instruments introduits par la réforme (aides directes), s'ils reproduisent le montant de la compensation, reposent sur une logique tout à fait distincte. Alors que le soutien était plutôt opaque, le calcul des aides directes en revanche est réalisé en fonction de la surface d'exploitation et versées chaque année sous forme de chèque au producteur, répartition beaucoup plus intelligible et mieux imputable. [...]
[...] On voit donc que la dimension du pouvoir est intrinsèque à l'analyse cognitive des politiques publiques. Effectivement, le processus d'émergence puis de montée en puissance d'un référentiel, autrement dit d'une nouvelle manière de voir un problème, ne se fait généralement pas sous la forme d'un débat d'Idées consensuel, mais se caractérise plutôt par des formes de violences économiques, sociales, voire même physiques. Ceci pour une raison simple : le processus de formulation et d'imposition des cadres d'interprétation du monde modifie plus ou moins brutalement les identités collectives des acteurs impliqués. [...]
[...] Ayant pour objectif de déconnecter l'intervention publique des mécanismes du marché, ce sont eux qui ont suggéré les premiers les avantages procurés par l'élimination (ou au moins diminution) du système de prix garantis et par le même produit ce que Pierre Muller nommerait des algorythmes type si on élimine le système de prix garantis, l'agriculture européenne sera plus compétitive Ces nouvelles données ont permis à l'OCDE de diffuser un changement complet de problématisation de la politique agricole. La pertinence de la politique n'étant plus regardée par rapport à des critères traditionnels, i.e. ses effets sur le revenu des agriculteurs, un quelconque paramètre lié à l'activité agricole ou encore l'économie interne du pays, mais au regard d'un caractère chiffré unique relatif à ses effets sur le commerce international. [...]
[...] Deux évènements ont fourni les conditions politiques du déclenchement d'une réforme de la PAC. Le premier est interne à la communauté et tend à prouver l'importance des élites administratives de la Commission qui avaient souvent été taxées de neutralité. Après une longue inertie de cet organe sur les questions agricole, l'arrivée de l'équipe Delors en 1985 marque un changement radical dans le discours sur la PAC, vue comme un obstacle budgétaire majeur au développement d'autres politiques européennes ainsi qu'une institution risquant de délégitimer l'entreprise européenne dans son ensemble aux yeux de la communauté internationale. [...]
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