Les substances chimiques sont présentes partout: parfum, jouets, produits de nettoyage, meubles, etc. Il existe aujourd'hui environ 100 000 molécules différentes utilisées par l'industrie chimique sur le marché européen. Si nombre de ces produits sont bien entendu nécessaires à la fabrication des produits, certains d'entre eux peuvent se révéler dangereux pour l'environnement et pour la santé. Le nombre des produits et la multiplicité des réglementations en matière de produits chimiques ont empêché la mise en œuvre de politiques efficaces en la matière.
C'est paradoxalement à la demande des industriels de la chimie, dans un but de simplification réglementaire, que la Commission européenne travaille sur le nouveau projet de réglementation REACH: « enRegistrement, Evaluation, Autorisation des substances CHimiques ». Le principe de cette proposition et d'instaurer un meilleur contrôle des substances chimiques utilisées en les enregistrant et en en mesurant la dangerosité avant toute commercialisation. Elle vise en outre la création d'une Agence Européenne des Produits Chimiques basée à Helsinki.
L'élaboration de cette réglementation novatrice en matière de protection de l'environnement et de la santé s'est heurtée à de nombreux obstacles. Lors de la phase de consultation par internet des différents acteurs concernés par le projet, plus de 6000 commentaires ont été émis, ce qui fait de REACH le projet de réglementation ayant subi le plus d'actions de lobbying. En effet, le cas de REACH est significatif du développement des activités de lobbying au sein de l'Union Européenne (UE). Il convient de donner en préambule quelques définitions.
Le lobbying peut être défini comme l'action stratégique d'un groupe de pression, sur le moyen et long terme, dans le but d'aboutir à l'élaboration d'un cadre législatif favorable à leurs activités. La distinction entre groupe de pression et groupe d'intérêts ne semble pas pertinente, et l'on retiendra l'un ou l'autre des termes pour évoquer les organismes exerçant des activités de lobbying. En revanche, une distinction doit se faire au niveau des effets recherchés par ces groupes. On distingue ainsi le lobbying social (basé sur des motivations non lucratives, le plus souvent politique ou idéologiques) et le lobbying commercial ou industriel (basé le plus souvent sur des motivations stratégiques en terme de profits et de rentabilité économique).
Après avoir présenté le processus décisionnel complexe au niveau de la régulation environnementale européenne, et la façon dont les groupes de pression s'immiscent dans ce processus, nous nous attacherons plus spécifiquement à l'étude de l'élaboration de la réglementation REACH, en nous demandant si l'influence des groupes de pressions – industriels notamment – n'ont pas mené à une standardisation « par le bas » du projet initialement prévu.
[...] Après discussion au Conseil et au Parlement, la Direction Générale Entreprise a commencé à jouer un rôle influent sur la mise en place de cette réglementation, alors même que c'est bien la commission de l'environnement qui dirigeait la procédure. En mai 2003, les groupes d'intérêts de l'industrie chimique parviennent à obtenir de la Commission qu'elle effectue une consultation sur Internet au sujet du projet. L'adoption de la proposition est reportée. Octobre 2003 : le Conseil accepte de transférer le pouvoir décisionnaire sur le projet REACH du Conseil de l'Environnement au Conseil de la Compétitivité. Entre 2004 et 2005 s'opère alors différentes tractations. La circulation d'un room paper émanant du cabinet du président de la Commission, M. [...]
[...] Nous étudierons ces jeux de pouvoir industriels avant de nous consacrer à leur impact sur la directive REACH, c'est-à-dire à son nivellement par le bas. Au plan parlementaire, les interlocuteurs du débat environnemental ne sont pas facilement identifiables. En effet, on constate que d'anciens parlementaires ont quitté leur poste et travaillent à présent dans le lobby industriel. Par le jeu des réseaux, ils ont de l'influence sur les gens qu'ils côtoyaient au préalable et ce qui peut faciliter leur manipulation. [...]
[...] Cette idée fait aujourd'hui consensus au sein d'ALTER-EU, l'alliance pour un lobbying transparent et une régulation éthique dans l'Union Européenne. ALTER-EU est une coalition composée de plus de 140 groupes de société civile, de syndicats, d'académiciens et de cabinets d'affaires publiques. Elle a récemment obtenu de la part de la Commission une proposition d'enregistrement volontaire des lobbyistes. Cette seconde communication sur l'Initiative Européenne de Transparence apparaît toutefois encore faible et limitée Un enregistrement volontaire ne permettra en effet la transparence des groupes de pression européens qu'à très long terme. [...]
[...] Pour lui, c'est la compétition entre les différents groupes d'intérêts qui est factrice d'efficacité économique et régulatrice. En effet, Aidt (1998) note que cette compétition entre intérêts conduit à une internalisation efficace des externalités négatives. Selon son schéma théorique, les procédés utilisés par les environnementalistes, les organisations internationales, les différents groupes d'intérêts comptent puisque ceux-ci sont les premiers à interagir dans la législation environnementale. Cette théorie positive de la régulation environnementale comporte plusieurs niveaux d'analyse. Au plan empirique, on peut utiliser comme variable dépendante la régulation d'un groupe industriel et comme variables explicatives, l'attitude des groupes d'intérêts (contributions, activités de pression témoignages) ainsi que d'autres facteurs tels que la toxicité des polluants et le coût de contrôle. [...]
[...] Les groupes de pression & la directive REACH : un nivellement par le bas de la réglementation environnementale européenne ? A. La demande REACH se heurte à des lobbies importants qui justifient économiquement sa difficile opérativité Les dispositions du projet d'origine Comme nous l'avons vu, REACH poursuit deux objectifs bien définis, par le biais de l'instauration d'une procédure de contrôle et d'autorisation concernant les substances chimiques importées et utilisées dans la production de biens de consommation. Ces 2 objectifs sont les suivants : - les substances chimiques extrêmement préoccupantes doivent être abandonnées et remplacées par des alternatives appropriées et plus sûres (principe de substitution) - la capacité d'innovation et la compétitivité des entreprises chimiques européennes doivent être maintenues. [...]
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