L'union européenne (UE) a affirmé tardivement qu'elle reposait sur des valeurs. Le mot ne figure pas dans la déclaration du 9 mai 1950 de Robert Schuman, l'acte de naissance de la communauté européenne. Il n'apparaît pas non plus dans le traité de Rome, qui fonde la communauté en 1957. Quand à Jean Monnet, il ne l'emploie pas davantage.
Ce n'est qu'en 1992, que le traité de Maastricht mentionne l'existence de valeurs – non dans son préambule où ne figure que des « principes » - mais au titre V, qui porte sur la politique étrangère et de sécurité commune. Le premier objectif de cette politique est « la sauvegarde des valeurs communes, des intérêts fondamentaux et de l'indépendance de l'Union ». C'est ensuite le projet de constitution européenne qui les définit dès son deuxième paragraphe : « L'Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre les femmes et les hommes. » (Article I – 2). Elles sont également évoquées à propos de son action extérieure « L'union a pour but de promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses peuples » (article I – 3). De plus, le préambule de la Charte des droits fondamentaux, inséré dans le traité, s'y réfère en affirmant la volonté des peuples d'Europe de « partager un avenir pacifique fondé sur des valeurs communes ».
Ce n'est pas anodin si l'on s'interroge à cette étape de la construction européenne sur le rôle et la nature des valeurs européennes. Les valeurs européennes existent-elles ? Comment se définissent elles et par rapport à quelles autres valeurs ?
Si l'on décèle aisément sous ces interrogations la notion d'identité européenne, l'enjeu des valeurs implique également le devenir de la construction européenne : en effet, cette question est une donnée essentielle dans les débats concernant l'élargissement (comme en témoigne la récente polémique sur l'entrée de la Turquie dans l'UE) et le rôle politique que l'UE voudrait jouer.
[...] C'est ainsi que le préambule du traité de Maastricht de 1992 ne souligne plus comme ciment de l'Europe que la démocratie, les droits de l'homme et l'État de droit. Il n'est plus question d'une civilisation commune et d'une histoire partagée, qui marquerait la spécificité européenne. La polémique concernant l'héritage chrétien de l'Europe pourrait illustrer le propos. Si effectivement les valeurs de l'Europe servent des buts politiques et permettent la naissance d'une communauté politique on peut néanmoins s'interroger sur ce qui fait la spécificité de ses valeurs. Les valeurs de l'UE permettent-elles de définir un modèle singulier européen ? [...]
[...] Qu'est ce que cela implique ? Les sociologues définissent la valeur, somme toute assez simplement, comme étant une conception du désirable. Cette définition au niveau individuel peut se transposer à l'échelle d'un groupe, d'une société, d'une communauté, et alors intervient la notion selon les auteurs du Dictionnaire critique de la sociologie - d'idéaux collectifs C'est justement de cela dont il s'agit lorsque l'UE énumère ses valeurs dans le projet de constitution. Affirmer des valeurs, définir une vision du monde[5] c'est s'inscrire dans un projet politique. [...]
[...] Dans le projet constitutionnel, ce sont les valeurs qui servent de conditions d'éligibilité (voir infra) et font office de dénominateur commun. Il faut également mentionner l'importance du contexte historique qui a participé à la création de l'UE et qui encore de nos jours marque fortement l'identité de l'Europe. Il est à ce titre significatif que le traité de Maastricht rappelle dans son préambule l'importance historique de la fin de division du continent européen et la nécessité d'établir des bases solides pour l'architecture de l'Europe future pour ensuite mieux confirmer l'attachement (des signataires) au principe de la liberté, de la démocratie et du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'État de droit, principes qui sont communs aux Etats membres. [...]
[...] Si nous avons mis en relation précédemment valeurs et identité, il faut également mettre en perspective le fait que l'identité crée - certes - une spécificité mais aussi impose de se définir par rapport aux autres. Les valeurs européennes sont donc ce que l'union incarne et ce qui fait sa différence par rapport au reste du monde. Le traité sur l'UE en 1992 (traité de Maastricht) explique la volonté des états de renforcer, grâce à la mise en œuvre d'une politique étrangère l'identité de l'Europe et son indépendance afin de promouvoir la paix, la sécurité et le progrès en Europe et dans le monde». [...]
[...] Comme le rappelle Frits Bolkestein, Les valeurs définissent notre identité. Et s'il n'y a pas de valeurs européennes évidentes, il ne sert à rien de parler d'identité européenne[10] Le projet de constitution pose de manière explicite le lien entre valeurs et identité puisque il fait des valeurs européennes les conditions d'éligibilité à l'UE (procédure énoncée à l'article I-58 - Critères d'éligibilité et procédure d'adhésion à l'Union L'Union est ouverte à tous les États européens qui respectent les valeurs visées à l'article I-2 et s'engagent à les promouvoir en commun Cette inscription des valeurs au cœur même du processus d'élargissement pose problème, comme en témoigne la polémique autour de l'entrée de la Turquie dans l'UE. [...]
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