La problématique du déficit démocratique de l'Union Européenne est récurrente autant dans les travaux de recherche que dans les débats politiques. À l'approche des élections européennes et face à la stagnation du processus institutionnel depuis le « non » irlandais au Traité de Lisbonne, les questionnements sur les moyens de renforcer la citoyenneté européenne et de rapprocher l'Europe des citoyens resurgissent. La réalité de la citoyenneté européenne et de sa perception par les citoyens eux-mêmes est un sujet qui a été maintes fois abordé par les chercheurs. Cette note de synthèse se concentrera donc sur l'un des modes de participation directe des citoyens proposée pour renforcer la démocratie : le droit de pétition.
Le droit de présenter des pétitions au Parlement européen a été inséré dans le texte des Traités par le Traité sur l'Union européenne de 1992. Le Parlement européen peut recevoir des pétitions de tout citoyen de l'Union, ainsi que de toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre, à titre individuel ou en association avec d'autres citoyens ou personnes, sur un sujet relevant des domaines de l'activité de la Communauté et qui le ou la concerne directement.
Cette note aura donc pour objet de s'interroger sur l'effectivité de ce droit de pétition, sur son appropriation (ou non) par les citoyens européens et sur ses effets réels. À la suite de Paul Magnette, nous poserons la question de la pertinence du droit de pétition comme instrument d'une citoyenneté européenne directe.
[...] Ici, la pétition s'apparente à un mécanisme de contrôle extrajuridictionnel de la bonne application du droit. Ce type de pétitions peut également émaner de groupes de pression ou d'associations qui souhaitent, parallèlement à une procédure menée auprès de la Commission européenne et de la Cour de Justice, mettre en lumière une violation du droit communautaire (par exemple concernant le non-respect de la législation Natura 2000 par les autorités administratives nationales et sa dénonciation par les associations écologistes). La deuxième acception, qui est également un instrument davantage utilisé par les groupes de pression ou les associations citoyennes que par les simples citoyens, est constituée par les pétitions visant à ouvrir un débat et à favoriser l'initiative législative. [...]
[...] La question du rapprochement de l'Union européenne et des citoyens est présente tant dans les réflexions des chercheurs en questions européennes que dans les institutions européennes elles-mêmes. Depuis le Traité de Maastricht, l'évocation de la citoyenneté européenne et de ses instruments dans les traités successifs sont autant de preuves du volontarisme politique affiché de transformer l'Union européenne en une démocratie directe plus concrète. Pour autant, les taux d'abstention record (environnant régulièrement les aux élections européennes dans l'ensemble des États membres et la méfiance exprimée par les citoyens à l'égard d'institutions dont le fonctionnement est souvent jugé opaque et démesurément complexe sont un indicateur du fossé creusé entre citoyens et institutions européennes. [...]
[...] Toutefois, si ce droit est accessible à tous, il n'en est pas moins utilisé très inégalement par les citoyens de l'Union européenne. On peut déjà percevoir une première délimitation selon les États membres d'origine des pétitionnaires. Ainsi, les pétitions proviennent principalement des grands États membres (Espagne, Allemagne, Grande-Bretagne, Pologne, Italie). Toutefois, on ne perçoit pas de différences entre les nouveaux États membres et les anciens États membres. Ainsi, si en pétitions ont été émises par des citoyens roumains seulement ont été déposées par des citoyens français. Une catégorisation selon la date d'intégration de l'Union ne semble donc pas pertinente. [...]
[...] De plus, malgré son caractère et son utilisation relativement facilitée (surtout depuis l'ouverture de la possibilité d'un dépôt en ligne), la pratique de la pétition est encore majoritaire élitaire. Cet élitisme n'est pas d'ordre financier, mais plutôt d'ordre cognitif puisque le recours à cette procédure est encore peu connu par les citoyens et n'apparait pas comme un instrument de mobilisation efficient. Ainsi, cet instrument, même s'il aide à ouvrir le système politique européen aux segments actifs des sociétés civiles, reste confiné aux catégories supérieures, déjà mobilisées et déjà informées des enjeux européens. Bibliographie P. [...]
[...] On peut rapprocher ces phénomènes d'intégration top down des théories néo-fonctionnalistes en arguant à la fois de la place particulière des élites politiques et sociales dans le processus d'intégration et dans la diffusion de comportements mais aussi du phénomène de spill-over, en voyant dans le développement de ces pratiques de démocratie participative, calquée que les pratiques nationales et qui viennent transformer les comportements des acteurs en matière de contrôle extrajuridictionnel, mais aussi de participation à l'élaboration de la législation, une intégration européenne de plus en plus poussée. En guise de conclusion, il faut se garder d'une vision trop optimiste de l'intérêt et de l'effectivité du droit de pétition. En effet, ce droit, s'il est jugé fondamental, reste peu utilisé au vu du nombre d'utilisateurs potentiels. [...]
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