Le traité de Maastricht a "institué" une "citoyenneté européenne". Si les droits qui lui sont attribués apparaissent encore certes limités, il n'en reste pas moins que l'entrée de la citoyenneté sur la scène de l'Union européenne est un événement politique majeur. En effet, c'est sortir d'une définition purement économique, le travailleur ou le consommateur, pour entrer dans celle de l'espace politique. "L'Europe, disait Husserl, ne peut oublier son fondement spirituel qui prend racine sur le sol grec de la philosophie. Dans le concert des nations, elle est la gardienne d'une forme spécifique d'universel". Or, la citoyenneté, selon Aristote, s'analyse selon la notion de participation (methexis). Elle est la condition de réalisation de la communauté politique. Le citoyen se définit par sa capacité politique d'exercice dans la cité des deux grandes fonctions éthico-politiques : les normes judiciaires et l'exercice de la prise de décision dans les affaires politiques de la cité. C'est dire que la citoyenneté procède d'une culture politique.
I - Les limites de la citoyenneté en Europe et le nécessaire renforcement de la citoyenneté européenne II - Une citoyenneté politique active est-elle possible au niveau européen ? III - Les limites d'une citoyenneté européenne active...
[...] La difficile ratification du traité de Maastricht était d'ores et déjà un avertissement. Le besoin de procéder à un second référendum en Irlande pour ratifier le traité de Nice lui a plus récemment fait écho. A cela s'ajoutent diverses formes de mouvements transnationaux de contestation (grève des ouvriers français et belges de Renault dans l'usine de Vilvoorde en 1997, manifestations multinationales d'agriculteurs ) La poursuite de l'intégration concerne en effet aujourd'hui des domaines plus étroitement attachés à la souveraineté nationale que les seuls enjeux économiques et porte atteinte à un facteur identitaire qui demeure essentiel pour les ressortissants communautaires. [...]
[...] Car, les structures associatives transnationales auxquelles on a affaire au sein de l'Union restent insuffisamment intégrées et doivent se démocratiser davantage pour devenir de réelles " unités actives " qui permettent de traduire les attentes des citoyens par un mouvement de bottom-up. D'autre part, les institutions communautaires accordent une attention croissante au potentiel de représentation que présentent ces nouveaux corps intermédiaires, sans pour autant systématiser leur consultation par l'instauration de réels pouvoirs de consultation. La multiplicité des initiatives prises pour instaurer un débat avec les représentants de la société civile conduit à une dispersion, voire une certaine dilution de leur potentiel de représentation et empêche l'adoption de procédures systématique de consultation. [...]
[...] II - Une citoyenneté politique active est-elle possible au niveau européen ? Dix ans après la création de la citoyenneté européenne, le besoin de "rapprocher les citoyens de l'Union" est devenu un leitmotiv qui ponctue les déclarations officielles, sans que la dimension participative de la citoyenneté européenne n'ait été substantiellement renforcée. En assurant une meilleure protection des droits des citoyens et en renforçant les pouvoirs du Parlement européen, le traité d'Amsterdam comme celui de Nice sont restés étroitement attachés d'une part, à une logique de juridiciarisation de la citoyenneté et d'autre part, au paradigme parlementaire qui tout en assurant une représentation formelle des citoyens limite leur participation à une sanction électorale. [...]
[...] Enfin, l'autre question qui se pose est : l'Europe a-t-elle besoin d'une constitution ? L'Union européenne serait alors d'une personnalité juridique avec un président élu. La citoyenneté européenne est une innovation constitutionnelle, politique et culturelle. S'il faudra encore du temps pour donner un contenu à l'Europe, objet politique non identifié selon les termes de Delors, il en faudra encore plus pour inventer des formes nouvelles d'espace public. Mais la citoyenneté européenne ne doit se perdre ni dans les discours institutionnels ni se confondre avec une identité culturelle utopique qui exclurait le non-européen. [...]
[...] Les attentes des citoyens restent certes confuses. On mesure mal l'impact d'une plus forte intégration et d'un élargissement de l'Union. Mais les efforts exigés par l'arrivée de 10 nouveaux Etats membres pourraient contribuer à rendre les bénéfices de l'Union plus difficilement perceptibles. Alors que le sentiment d'appartenance à l'Union reste lié au rythme de progression de cette politique d'attribution des droits socio- économiques - c'est-à-dire de la citoyenneté en Europe l'ampleur des nouveaux enjeux soulevés par le double défi de l'approfondissement et de l'élargissement pourrait aussi bien contribuer à affaiblir ce sentiment d'appartenance et engendrer de plus fortes résistances anti-européennes. [...]
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