La Turquie est une chance indéniable pour l'Union Européenne, d'un point de vue géopolitique et géostratégique. Sa situation centrale en Eurasie, sa position intermédiaire entre culture occidentale et moyen-orientale, sa tradition de politique étrangère affirmée sont autant d'avantages que mettent en avant les analystes européens. La Turquie est un véritable gardien oriental pour la sécurité européenne. Des deux côtés, on considère qu'une Turquie membre de l'UE donnerait à celle-ci un poids plus important au niveau régional et mondial ; elle pourrait être un facteur de stabilisation dans la région et y accroître le rôle de l'Union Européenne. Cependant, son adhésion comporterait des défis autant que des opportunités dans le domaine des affaires étrangères, car obliger l'Europe à s'impliquer plus activement dans cette région suppose également qu'elle coure le risque d'être prise dans la tourmente.
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[...] Or, après la chute du régime soviétique, les relations bilatérales entre la Turquie et la Russie ont connu de nouvelles rivalités politiques, Ankara cherchant à étendre son influence dans des régions où Moscou a d'importants intérêts historiques. Au cours des dernières années, les intérêts antagoniques se sont concentrés sur le Caucase et l'Asie centrale, mais ces tensions ont récemment été éclipsées par le développement des relations commerciales entre les deux pays, et il est certain que l'adhésion de la Turquie donnerait plus d'importance, dans les relations Union Européenne - Russie, aux questions relatives à l'énergie et à l'évolution de la situation dans le Caucase et en Asie centrale. [...]
[...] La Turquie fait peur aux Européens. Pourtant, c'est dans le but d'amenuiser les sources potentielles d'insécurité des peuples occidentaux que l'adhésion devrait advenir, et ce, dans un futur relativement proche. Les consciences s'éveillent peu à peu sous la poussée de ces arguments purement stratégiques, qui semblent faire clairement pencher la balance en faveur de l'adhésion. Ce fut notamment le cas de Joschka Fischer, qui, initialement opposé à l'adhésion, reconnaît aujourd'hui un caractère irréfutable aux justifications sécuritaires : Je faisais auparavant partie de ces gens qui étaient à 51% en faveur de l'adhésion de la Turquie et à 49% rongés par les doutes. [...]
[...] Douze des quinze points chauds identifiés par l'OTAN comme menaçant la sécurité de l'Alliance atlantique se situent dans les régions limitrophes précédemment décrites. La participation turque présente un potentiel de renforcement de la crédibilité des politiques européennes à l'égard de ces régions. De plus, amener l'Union européenne au bord des zones tourmentées l'obligerait à ne plus se dérober à ses obligations de puissance et à ne plus laisser le champ libre aux Etats-Unis dans la gestion des grandes crises internationales. [...]
[...] La Turquie a accompli sa marche vers l'Union Européenne en deux temps. Après avoir entamé une longue phase de transformation institutionnelle en faveur de la démocratisation et la généralisation de l'Etat de droit, conditions inhérentes à l'appartenance européenne, l'accord d'association avec la Communauté économique européenne, signé en 1963, lui offrait une claire perspective d'adhésion. Il faut noter que cet accord fut établi dans un contexte où, d'une part, le rejet du projet de Communauté européenne de défense et les réalités stratégiques avaient conduit à confier le développement la sécurité de l'Europe à l'OTAN et où, d'autre part, la Turquie ne pouvait échanger avec le monde turcophone en raison de l'emprise de l'Union soviétique. [...]
[...] Les oppositions sont nombreuses, qui estiment que la Turquie n'a pas sa place en Europe, que ce soit d'un point de vue géographique, culturel ou religieux. Pourtant, si les négociations semblent inéluctablement tendre vers l'adhésion du pays, c'est bien le signe que les arguments en sa faveur sont légion. Outre les aspects économiques et culturels, qui postulent que la Turquie permettrait d'améliorer les relations de l'Europe avec le monde musulman, en apportant un démenti à le thèse du choc des civilisations chère à Huntington, c'est surtout une analyse en terme stratégique qui laisse le plus augurer du succès de la Turquie dans sa démarche pro-européenne. [...]
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