« Objet politique non identifié », selon la célèbre formule de Jacques Delors, l'Union européenne a tour à tour été qualifiée par ses opposants d'Europe « technocratique », « libérale », en proie à un « déficit démocratique », alors même que ses partisans les plus fervents appellent régulièrement à l'émergence d'une « Europe politique ». Cette expression resurgit régulièrement dans le débat public alors même que son acception semble différer sensiblement d'un énoncé à l'autre (une Europe politique serait tantôt une Europe plus supranationale, plus démocratique, fédérale (dans une forme encore inconnue), pesant sur la scène internationale, etc.).
Au lieu de s'appuyer sur ces acceptions courantes pour en inférer la signification de l'expression « Europe politique », il semble plus judicieux de partir de la définition du terme « politique » lui-même. Etymologiquement, il se réfère à la « polis », la cité, et renvoie au « vivre ensemble » d'une communauté de citoyens, d'une société. La conception wébérienne de la politique retient un deuxième sens à ce concept, celui du choix de valeurs sans prendre en compte les considérations techniques (ex : faire le choix du social ou de l'environnemental, sans se demander par quelles modalités il sera mis en œuvre).
Etant donné que l'Europe politique est aujourd'hui unanimement reconnue (y compris par ses partisans) comme inexistante, il ne s'agit pas ici de se demander si (au vu de ces définitions), l'UE peut être considérée comme « politique », mais plutôt, au vu de ces définitions et des différentes théories sur la conception de la nation et de la citoyenneté, si l'expression « Europe politique » peut être pourvue d'une signification, et le cas échéant, dans quelles conditions.
On verra dans une première partie que l'expression « Europe politique » peut être associée à un non sens, une virtualité, avant de considérer cette expression comme renvoyant à un projet de réalisation d'une communauté politique à l'échelle supranationale.
[...] Habermas se demande donc : pourquoi la formation de ce type de solidarité civique entre personnes étrangères les unes aux autres serait-elle condamnée à s'arrêter précisément aux frontières des Etats-nations ? Habermas considère donc que l'Europe politique (entendue comme construction d'une identité post-nationale) peut se construire sur le modèle des Etats- nations. - Cette vision est celle du patriotisme constitutionnel, selon lequel l'identité politique peut se stabiliser sur les principes de l'Etat de droit, en adhérant aux valeurs universalistes. Se forme alors une identité post-nationale qui transcende les différences ethnoculturelles. [...]
[...] C'est l'idée, en quelque sorte, d'une nouvelle agora à l'échelle européenne. Finalement, la construction d'une Europe politique ne se fera pas sur le modèle de la construction des Etats-nations : ni par une intégration verticale (ce que réclament les partisans de l'intégration supra nationale : absorption par l'Europe de symboles de souveraineté, monnaie, défense, fiscalité ni par une solidarité civique fondée sur le droit (postulat d'Habermas). Bibliographie Marc Abélès, De l'Europe politique en particulier et de l'anthropologie en général in Culture et conflits Etienne Balibar, Europe Constitution frontière, Editions du Passant Jean-Marc Ferry, La question de l'Etat européen, Paris, Gallimard Jürgen Habermas, Pourquoi l'Europe a-t-elle besoin d'une Constitution ? [...]
[...] Quelle signification donner à l'expression Europe politique ? Objet politique non identifié selon la célèbre formule de Jacques Delors, l'Union européenne a tour à tour été qualifiée par ses opposants d'Europe technocratique libérale en proie à un déficit démocratique alors même que ses partisans les plus fervents appellent régulièrement à l'émergence d'une Europe politique Cette expression resurgit régulièrement dans le débat public alors même que son acception semble différer sensiblement d'un énoncé à l'autre (une Europe politique serait tantôt une Europe plus supranationale, plus démocratique, fédérale (dans une forme encore inconnue), pesant sur la scène internationale, etc.). [...]
[...] C'est la perspective de l'aboutissement de la construction européenne qui donne toute son impulsion au processus, mais il semblerait que cet aboutissement soit une virtualité. - Sa conclusion : l'Europe ne s'achèvera jamais, puisque c'est la perspective de l'avenir qui la fait tourner : l'aboutissement de l'Europe politique signerait aussi sa fin. Le virtuel est un carburant beaucoup plus efficace que la production d'un ordre politique qui figerait les relations et pourrait susciter des réactions de rejet difficilement contrôlables : on connaît bien les réticences des Etats membres à aliéner tout ou partie de leur souveraineté. [...]
[...] L'inachèvement de l'Europe est créateur de consensus. L' Europe politique : une abstraction dépourvue de fondement citoyen et démocratique - Europe politique, au sens de communauté politique, est vue comme une abstraction infondée, une aporie. C'est la conception du républicanisme national (défini par Marc Ferry comme le souverainisme démocratique Son idée force ? Les bases sur lesquelles pourrait se former la communauté politique européenne (adhésion à des valeurs communes : démocratie représentative, Etat de droit, droits de l'homme) sont des principes abstraits qui ne peuvent stabiliser une communauté politique. [...]
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