Le 3 mai 1968, et malgré le second veto du général de Gaulle à la demande d'adhésion du Royaume-Uni aux Communautés européennes, le député anglais Sir Geoffrey De Freitas brandit le drapeau européen devant le Parlement de Westminster pour manifester son attachement à la cause européenne. Cet acte symbolise l'incompréhension qui règne en Grande-Bretagne face à la politique européenne du Président français à l'époque, mais également la méfiance française à l'égard du soudain engagement britannique pro-européen des années 1960 après dix années passées en observateur de la construction européenne. Le général de Gaulle a justifié son double veto par une incompatibilité économique entre intérêts continentaux et insulaires et par une crainte de la modification des règles du jeu existantes dans les Communautés après l'entrée du Royaume-Uni. Mais cette double opposition reflète surtout l'ambivalence de deux conceptions de l'Europe : l'Europe vue de France comme moyen de s'assurer une place dans le nouvel ordre mondial de l'après-guerre n'est pas la même que celle vue d'Angleterre comme étant une alliance d'abord continentale et prompte à enlever aux pays membres des parts importantes de leur souveraineté. Ces deux conceptions débouchent sur des attitudes différentes quant à l'Europe, avec d'un côté du volontarisme et la recherche d'une « union sans cesse plus étroite » et de l'autre un engagement à reculons.
Dès lors, il serait intéressant de se demander dans quelle mesure l'engagement européen respectif des deux pays au cours du second XX° siècle est révélateur de l'ambivalence de leur conception sur le but et le rôle de la construction européenne.
Si l'attitude britannique envers la construction européenne dans le second XX° siècle explique pour une part le comportement peu enthousiaste de la France face à cet engagement, c'est surtout un désaccord profond sur l'essence même de la construction européenne qui éclaire ce jeu diplomatique compliqué entre les deux puissances voisines.
[...] Les intérêts économiques du Royaume-Uni dictèrent la politique du pays envers l'Europe. Dans les années 1950, la Grande-Bretagne était auréolée de gloire, en raison du rôle unique qu'elle avait joué au cours de la Seconde Guerre mondiale. Elle pouvait s'enorgueillir de relations spéciales avec les Etats- Unis ; elle se trouvait, enfin, à la tête d'un Commonwealth encore vivace, qui absorbait près de la moitié de ses exportations. Pour toutes ces raisons, historiques, militaires, psychologiques, économiques, elle ne se sentit pas concernée par les efforts d'organisation de l'Europe continentale. [...]
[...] Ces deux personnages, ne partageant pas du tout les mêmes vues quant au devenir de l'organisation européenne, quant aux perspectives économiques et financières, les crises et désaccords furent nombreux durant cette période d'une quinzaine d'année, l'élection de John Major n'améliorant pas les relations entre les deux pays sur le plan européen. D'autre part, Jacques Chirac et Tony Blair se sont fortement opposés lors de la crise irakienne de l'hiver 2002 et du printemps 2003. Ne parvenant pas à trouver un accord, les deux hommes ont durcit leurs positions et les relations franco-britanniques sont encore aujourd'hui marquées par cet épisode, même si les deux parties tentent d'amenuiser l'étendue de leurs clivages. [...]
[...] Cependant, et malgré un changement de majorité, le Premier ministre travailliste Harold Wilson, annonce le 2 mai 1967 qu'il a décidé de reposer pour la deuxième fois la candidature de son pays. Cette candidature ne s'entoure pas des mêmes conditions que la précédente et semble se présenter sous de bons auspices, quand, à la surprise générale, le général de Gaulle explique, dans une conférence de presse du 16 mai 1967, que le Royaume-Uni n'est pas prêt économiquement à supporter les règles du Marché commun. Après six mois de négociations entre les Six, le Président français décide d'opposer un second veto dans une nouvelle conférence de presse le 27 novembre 1967. [...]
[...] Le 9 mai 1950, Robert Schuman, assisté de Jean Monet, prononce sa célèbre déclaration, créant un an plus tard la CECA. Puis, on pourrait citer également Valéry Giscard d'Estaing à qui l'on doit (avec l'appui de l'Allemagne) l'institutionnalisation du Conseil européen mais également l'idée de Constitution européenne, ou Jacques Delors qui a permit la relance communautaire des années 1990 et la réussite de l'Union économique et monétaire, ou encore le commissaire français en charge des affaires économiques et monétaires entre 1995 et 1999, Yves Thibault de Silguy, qui a réunit toutes les conditions pour une parfaite entrée en vigueur de la monnaie unique européenne, l'euro. [...]
[...] Après être entré dans la Communauté, le Royaume-Uni paraît ne pas savoir ce qu'il attend réellement d'une organisation dans laquelle il a pourtant choisi de demeurer. C'est ce qu'évoque Zbigniew Brzezinski dans le Grand Echiquier publié en 1997 (document dans lequel l'ancien conseiller diplomatique du Président Carter évoque la Grande-Bretagne comme acteur géostratégique à la retraite ayant raté la grande aventure européenne menée par la France et la Grande-Bretagne Le Royaume-Uni ne partage pas avec la France le souci continental de donner un minimum de perspectives et de contenu institutionnel à l'Union européenne, et redoute même toute initiative remettant en cause un équilibre, que la création du Conseil européen a infléchi dans une direction qui a sa préférence. [...]
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