Outre le casse-tête juridique et conceptuel que pose la construction européenne – sommes-nous dans un Etat fédéral, une confédération ou peut-on encore parler d'Etats souverains ? La Communauté et l'Union européennes portent-elles atteinte à la souveraineté nationale ? Si oui, comment penser la coexistence de plusieurs entités politiques souveraines, sachant que la souveraineté est un principe indivisible, qui par essence exclut toute idée de subordination et de compromission ? La construction européenne remet en cause un fondement essentiel des Etats-nations : la démocratie. L'Etat ne risque t-il pas de se diluer dans ce projet politique commun que constitue la construction européenne et d'emporter dans son naufrage la démocratie, qui n'a jamais existé hors du cadre de l'Etat ? Il s'agit donc d'analyser les profondes mutations qu'a connues l'Etat-nation au cours de la seconde moitié du XXe siècle afin de voir s'il est possible de leur assigner des « sens » : faut-il percevoir dans ces mutations la mort annoncée des Etats-nations, une continuité, voire un renforcement de leurs pouvoirs ou encore le signe de leur transfiguration radicale ?...
[...] Il sera alors possible de démontrer que l'Etat-nation peut subsister dans un cadre extra-étatique ; la territorialisation et la nationalisation parfaites de la souveraineté ne sont ni indépassables ni nécessaires. N'est-ce pas parce qu'on a cherché à associer au concept d'Etat-nation la forme historique qu'il avait prise dans les dernières décennies, que beaucoup ont assimilé sa restructuration à une disparition ? 2. Une constellation postnationale L'Etat-nation et son corollaire, la souveraineté, sont pour Jünger Habermas des concepts historiquement et socialement construits, dont la pertinence est relative. [...]
[...] Un premier élément pour apprécier l' érosion de l'Etat-nation du fait d'une perte de souveraineté se situerait alors dans la nature et l'étendue des compétences communautaires. Elles peuvent être classées selon trois catégories : les compétences exclusives de la Communauté, les compétences concurrentes et les interventions complémentaires La remise en cause des prérogatives de l'Etat souverain Les compétences exclusives sont peu nombreuses mais importantes. Ce sont les mesures liées à la politique commerciale, à l'union douanière (législation et tarif douaniers communs), et au marché intérieur (harmonisation des réglementations, libre circulation des capitaux, politique de concurrence). [...]
[...] Si oui, comment penser la coexistence de plusieurs entités politiques souveraines, sachant que la souveraineté est un principe indivisible, qui par essence exclut toute idée de subordination et de compromission ? La construction européenne remet en cause un fondement essentiel des Etats-nations : la démocratie. L'Etat ne risque t-il pas de se diluer dans ce projet politique commun que constitue la construction européenne et d'emporter dans son naufrage la démocratie, qui n'a jamais existé hors du cadre de l'Etat ? [...]
[...] Les pouvoirs de l'Etat-nation sont ici d'autant plus mis à mal que le champ d'intervention de la CJCE est très large (sa compétence couvre l'ensemble du domaine communautaire : le Traité d'Amsterdam du 2 octobre 1997 a étendu sa juridiction aux matières relevant de l'espace de liberté, de sécurité et de justice destinés à être communautarisés) et que le processus de recours en manquement peut permettre à la Cour de vérifier si l'Etat membre a respecté les obligations imposées par le Droit communautaire. Dans le cas contraire, la Cour peut infliger à l'Etat membre fautif le paiement d'une somme forfaitaire. L'érosion des Etats-nations est ici évidente, puisqu'ils ne sont plus maîtres de rendre la justice sur leur propre territoire. II. Continuité de la vie de la Nation ? Les détériorations des prérogatives de l'Etat-nation sont certes incontestables, peut-on pour autant parler de sa brutale remise en cause ? [...]
[...] Seules les nations répondent à cette condition. C'est ce qu'on pourrait appeler le syllogisme Seguin : la démocratie ne peut s'appliquer que dans le cadre d'une solidarité de type national ; or l'Europe n'est pas une nation et ne parvient pas à le devenir ; donc l'Europe ne peut pas être démocratique et doit être rejetée. Si l'unité idéale de l'Etat et de la nation est loin d'être obsolète, certains auteurs affirment néanmoins que cet Etat-nation persistant ne s'est pas crispé sur des prérogatives d'un autre âge, mais a accepté d'être redéfini et d'agir dans le cadre d'une souveraineté partagée avec d'autres Etats-nations. [...]
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