L'Histoire de la construction européenne est profondément marquée par la question de la souveraineté des Etats au sein d'un espace communautaire. Dans cette optique, la place de la police - fonction régalienne de l'Etat par excellence – au sein de l'Union Européenne devrait être au cœur des débats. Pourtant, la coopération policière entre européens ne semble être discutée qu'entre les acteurs directement concernés. Dans Polices en réseaux. L'expérience européenne, Didier Bigo apporte des éléments de réflexion très utiles pour comprendre l'histoire de ce phénomène de coopération policière en Europe et dans le monde. Mais son étude, loin de se cantonner au simple univers policier, soulève des problématiques bien plus larges sur la construction d'une Europe de la sécurité intérieure, touchant ainsi aux politiques d'immigration, d'asile, que les organismes policiers européens sont partiellement chargés de contrôler.
Pourquoi la coopération policière ? A première vue, la réponse est celle d'une adaptation à un crime de plus en plus internationalisé qui se joue des frontières, dans un contexte de mondialisation, notamment au sein de l'Union européenne. En se penchant sur la question, Didier Bigo ouvre d'autres pistes de réflexion et cherche à casser l'image d'une coopération policière inéluctable. C'est bien là que réside la problématique centrale de son ouvrage : quelles sont les raisons de la coopération policière ? Quels en sont les acteurs ? Parallèlement, le lecteur est également amené à s'interroger sur ce que font les policiers de ces liaisons, est-on en mesure de contrôler ces acteurs dont le champ de compétence dépasse désormais largement le cadre national ? En six chapitres, Didier Bigo détaille la naissance et l'évolution de la coopération policière, des clubs informels aux grands traités fondateurs de l'Union européenne. En lien avec ces aspects nstitutionnels, l'auteur problématise la vision de la sécurité intérieure qui structure la coopération policière, une sécurité intérieure qui lie contrôle du crime, surveillance des frontières et maîtrise de l'immigration, il s'interroge sur les acteurs qui ont produit et imposé ce discours. Enfin, il présente la nouvelle police, produit de cette vision de la sécurité intérieure : une police à distance, en réseaux.
[...] Des amitiés et des contacts se créent, dans un système plus souple et plus rapide qu'Interpol, et posent les bases de la future coopération formalisée. Dans le même temps, les clubs européens se multiplient. Eux aussi informels, ces groupes reposent sur la confiance entre les membres travaillant au sein d'un même secteur : drogue (club de Berne) ou encore terrorisme. Dans ce dernier domaine, le club TREVI créé en 1975 et qui rassemblait l'ensemble des chefs de police en Europe est sans doute l'exemple le plus abouti de coopération informelle, puisqu'il se prolongera par la création d'Europol dans les années 1980. [...]
[...] Il s'agit alors pour les polices européennes en réseau d'anticiper les actes de ce criminel- type, et ceux de ces semblables. La logique est discriminante et ethnicisante mais on retrouve toujours des éléments de preuve pour renforcer la croyance initiale en ce lien entre crime et immigration. Il s'agit aussi de contrôler ces étrangers à priori suspects en amont, de faire de la police à distance Concrètement, on forme les polices des pays visés pour contrôler les flux dès le départ. [...]
[...] Quels en sont les acteurs ? Parallèlement, le lecteur est également amené à s'interroger sur ce que font les policiers de ces liaisons, est-on en mesure de contrôler ces acteurs dont le champ de compétence dépasse désormais largement le cadre national ? En six chapitres, Didier Bigo détaille la naissance et l'évolution de la coopération policière, des clubs informels aux grands traités fondateurs de l'Union européenne. En lien avec ces aspects institutionnels, l'auteur problématise la vision de la sécurité intérieure qui structure la coopération policière, une sécurité intérieure qui lie contrôle du crime, surveillance des frontières et maîtrise de l'immigration, il s'interroge sur les acteurs qui ont produit et imposé ce discours. [...]
[...] Un espace de liberté, de sécurité et de justice. Didier Bigo se place dans une perspective opposée, une analyse qu'il qualifie de relationnelle : la coopération policière est le produit d'un discours sécuritaire qui connecte le crime et l'immigration, un discours produit pour justifier la coopération. Il s'est imposé sous une double impulsion : celle des Etats soucieux de contrôler les flux migratoires et celle des agences de sécurité en lutte pour leurs intérêts voir leur survie. Cette thèse est contestable, et les policiers européens ne travaillent certainement pas tous dans une logique discriminante. [...]
[...] Cette étape fondamentale n'est pas, à en croire Didier Bigo, le fruit d'un processus continu mais répond plutôt à des aspects pratiques, techniques. Les grèves paralysantes des douaniers suivies d'importants barrages routiers en 1984 ne sont pas étrangères à cette nouvelle impulsion européenne. Très vite, naît l'idée que la disparition des contrôles aux frontières représente un danger pour la sécurité : danger d'immigration massive, danger de crime international. L'idée de mesures compensatoires va alors se matérialiser avec la signature de la convention d'application de Schengen en 1990, rebaptisée Schengen II, qui laisse à la protection une place bien plus grande qu'à la liberté de circulation, notamment en matière d'immigration et d'asile. [...]
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