Lors de son discours d'ouverture au Congrès de la paix de 1849, Victor Hugo souligne d'emblée toute l'ambiguïté de la notion d'identité européenne, de la coexistence de particularismes nationaux au sein d'une unité supérieure.
Si la définition étymologique de l'identité renvoie au latin « idem », « le même », celle-ci comporte plusieurs acceptions. L'identité constitue à la fois les caractéristiques présentant une similarité parfaite partagées par plusieurs sujets, et ce qui permet d'individualiser, d'identifier un individu par rapport à l'altérité, à ce qui est différent.
À cette ambivalence de l'identité s'ajoute l'ambiguïté de la définition de l'Europe, dont les contours demeurent actuellement incertains. Malgré l'indéniable existence d'un héritage commun issu de l'Antiquité gréco-romaine, de l'influence de la tradition judéo-chrétienne, on peut observer l'absence d'une parfaite coïncidence entre Europe culturelle, géographique et Union européenne. La difficulté à « parler » d'identité européenne s'incarne donc dans la conception de l'unité à travers la diversité et par la définition de l'identité de l'Europe dans le monde.
[...] La difficulté à parler d'identité européenne peut s'expliquer au regard d'une Europe marquée par une multitude de divisions et par l'absence de consensus sur sa définition A. Parler d'identité européenne revient en effet à considérer l'histoire complexe d'une Europe divisée sur le plan culturel, politique, religieux et linguistiques L'histoire européenne se distingue par de multiples divisions et guerres qui ont principalement conduit les peuples européens à affirmer leurs particularismes au détriment d'une identité européenne unanimement reconnue. Malgré l'existence indéniable d'un passé commun aux peuples européens, la culture fut principalement un facteur de séparation, de divisions, qui a contribué à caractériser l'Europe comme un continent de guerres. [...]
[...] Parler d'identité européenne présuppose en outre de s'interroger sur ce qui constitue la particularité, l'exceptionnalité de l'Europe par rapport au reste du monde. Questionner l'existence d'une telle identité nous amène considérer son origine même, en opposant une identité européenne qui serait héritée du passé, à une identité européenne en devenir, fruit d'une volonté affirmée des européens de construire en commun leur singularité. Dans quelle mesure peut-on parler d'une identité européenne commune dans le cadre d'une Europe divisée culturellement, historiquement et politiquement ? [...]
[...] Cette culture européenne apparaît davantage comme une source d'éloignement, de division que de rapprochement et d'unité des Européens. L'Europe culturelle se définit par la conservation des cultures nationales, régionales, locales propres aux Européens. Cette volonté d'affirmer ses particularités, sa singularité trouve un écho dans la montée des revendications locales, régionales et linguistiques au sein même des États- nations. À ce titre, le droit pour la région de la Bretagne de pouvoir enseigner le breton dès l'école primaire constitue l'illustration d'une logique de valorisation des particularismes culturels et régionaux, d'affirmation de la singularité d'une identité. [...]
[...] La préservation de ces identités locales ou régionales peut inclure l'existence d'un statut politique et institutionnel dérogatoire au droit commun. Dans le cas de la France, la loi du 13 mai 1991 confère à la Corse le statut de collectivité territoriale à statut particulier dotée d'une assemblée qui peut régler par délibération ses affaires. Parler de l'existence d'une identité européenne préexistante aux Européens peut s'avérer dès lors délicat, compte tenu de la volonté de maintien de la diversité par les Européens eux-mêmes. [...]
[...] Comme l'affirme Edgar Morin, la nouvelle conscience européenne est la conscience d'une communauté de destin Au-delà de la coopération économique, l'identité européenne s'incarne dans un consensus relatif aux valeurs communes, notamment en matière de droits et libertés. La Charte des droits fondamentaux de 2000 incarne cet accord des Européens sur la définition de leurs droits fondamentaux et libertés dont dispose chaque citoyen de l'Union. Les institutions de l'Union européenne incarnent le support institutionnel de la création de l'identité européenne. Le rôle primordial des institutions européennes dans ce processus est consacré dans les principes mêmes de l'Union. L'Union reconnaît officiellement 24 langues et n'impose l'hégémonie d'aucunes sur une autre. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture