Une « bizarrerie communautaire », « un objet politique non identifié », autant d'expressions qui attestent de la difficulté à dessiner avec précision les contours de cet objet qu'est l'Europe, véritable défi théorique pour les analystes en science politique. Trois courants ont cherché à analyser le processus d'intégration européenne, parmi lesquels l'intergouvernentalisme, - qui place les Etats au cœur du processus d'intégration européenne -, le néo-fonctionnalisme, - qui donne une place importante aux dynamiques institutionnelles -, et l'européanisation. Cette troisième approche, très en vogue aujourd'hui, à vocation de « synthèse », se centre sur l'analyse des effets induits par l'intégration européenne sur le politique, la politique ainsi que les politiques. Elle considère l'espace européen comme un système polycentrique complexe, à analyser en termes de gouvernance.
Au-delà d'une approche analytique, le terme européanisation qualifie le processus par lequel s'exercent les transformations induites par l'Europe sur les politiques publiques nationales.
[...] En effet, dans un sens élargi, l'européanisation désigne le processus par lequel niveau européen et national interagissent. Les acteurs nationaux opèrent un travail de feed-back : ils interprètent et modifient les signaux européens à travers leurs traditions nationales, leurs institutions, leurs motivations, leurs identités et leurs ressources, dans des chemins différents limitant de fait le degré de convergence et d'homogénéisation. En cela, l'habileté actuelle du niveau européen à pénétrer les institutions nationales n'est ni parfaite, ni universelle, ni même constante. [...]
[...] Pour conclure, il convient de considérer de nouveau l'européanisation en tant qu'approche analytique de l'intégration européenne. À la lueur de notre analyse, examinons son positionnement par rapport aux courants gouvernementaliste et néo-fonctionnaliste. L'approche gouvernementaliste considère que les décisions européennes résultent d'un bargaining entre acteurs étatiques. Quant au courant néo-fonctionnaliste, il perçoit l'intégration européenne comme un processus qui tend à échapper aux Etats membres. Enfin, l'approche en termes d'européanisation vise à dépasser ces deux courants classiques et se démarque par son entreprise de synthèse Ainsi, cette approche voit dans l'intégration européenne le résultat d'une interaction entre institutions européennes et l'ensemble des acteurs nationaux, pour qui l'Europe constitue une ressource, une structure d'opportunité, répondant à des stratégies proprement nationales. [...]
[...] Les nouvelles politiques sociales françaises se créent après l'analyse des politiques sociales suédoises répondant aux mêmes défis. Ainsi, la France, tout comme d'autres pays membres, se réfère à cet exemple de pays européen qu'est la Suède afin de réorienter de leurs politiques sociales. Parmi les changements qui peuvent en résulter, il semble difficile de déterminer la part insufflée par l'Europe, dont le rôle reste assurément indirect. Cet exemple de la libéralisation des politiques sociales nous permet d'introduire une question de caractère plus général : les changements observés dans les politiques nationales sont-ils forcément dus à l'européanisation? [...]
[...] - OLSEN Johan P., The Many Faces of Europeanization, Arena Working Papers, Oslo, 01/2002. - RADAELLI Claudio, Whither Europeanization? Concept Stretching and Substantive Change in European Integration online Papers, OLSEN Johan P., The Many Faces of Europeanization, Arena Working Papers, Oslo, 01/02, p1. Au sens employé par les analystes en droit constitutionnel. PALIER Bruno, SUREL Yves (dir.), L'Europe en action : analyses d'européanisation, Paris, L'Harmattan p66. Qui ne sont pas nécessairement européennes Idem, p68 OLSEN Johan P., The Many Faces of Europeanization, Arena Working Papers, Oslo, 01/2002. [...]
[...] Si l'Europe constitue un faisceau de contraintes sur les cadres nationaux, elle représente aussi une structure de ressources et d'opportunités, dont peuvent se saisir les acteurs nationaux pour influencer les politiques, au niveau national tout comme européen. Notons que la mise en œuvre d'une ressource dépend de son utilisation par les acteurs. En ce sens, Risa Sanchez-Delgado et Cornelia Woll affirment que l'européanisation demeure dépendante de l'usage créatif que font les acteurs des ressources européennes. A ce titre, mentionnons l'exemple des associations qui se tournent vers l'Europe pour des projets trop ambitieux pour leurs Etats respectifs. Ces associations contribuent ainsi à la légitimation de l'action communautaire. [...]
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