L'intérêt d'un travail de recherche sur les politiques d'immigration est simple : on a trop souvent tendance à étudier la mise sur agenda d'une politique ou les rapports de force entre acteurs dans sa formulation et sa mise en œuvre (par exemple, entre les Etats, les banques centrales nationales, les Ministères des Finances, et le Conseil des Gouverneurs de la Banque Centrale européenne dans le cas de l'euro et de la zone monétaire européenne) c'est-à-dire dans des domaines déjà largement concernés par les processus d'européanisation, de convergence, d'harmonisation.
Nous avons choisi le cas de la politique « d'externalisation » (terme que nous allons définir ensuite) de l'immigration et de l'asile, une politique européenne relative à la lutte contre l'immigration clandestine, et liée aux politiques de visas et d'asile. Nous aurions pu choisir le domaine de l'intégration, mais celui-ci a déjà été largement traité.
De plus, les polémiques soulevées par la mise en œuvre de cette nouvelle dynamique de la politique d'immigration de l'Union européenne, peu connue du grand public, permettent d'identifier les stratégies et les intérêts portés par les divers acteurs de l'externalisation et les limites d'une politique que d'aucuns qualifient de « commune ».
Nous verrons à travers l'exemple de la politique d'externalisation de l'immigration et de l'asile comment la nécessité d'une politique commune en matière d'immigration s'est imposée aux États membres de l'Union Européenne alors que par essence, ce domaine tombe sous la souveraineté jalouse des Etats.
Comment s'est imposé un cadre cognitif et intellectuel permettant de déterminer au niveau européen des solutions communes face à l'immigration ? Comment se fait-il alors que ce domaine souverain de l'Etat est en passe aujourd'hui de s'intégrer dans un processus décisionnel européen ?
[...] Cela fit beaucoup en terme d'effet d'annonce pour exprimer le changement de paradigme en matière d'immigration, et la stratégie sécuritaire à mettre en œuvre. Ainsi, dans la formulation et l'implementation des politiques publiques, il reste une marge de manœuvre symbolique aux Etats afin de mettre en avant leurs conceptions des mesures à prendre, qui n'est pas négligeable dans le processus de mise en œuvre d'une politique publique : même si une politique semble ne déboucher sur aucun résultat concret, l'analyse de sa fonction symbolique termes d'effet d'annonce, de sentier institutionnel ou de représentations et perceptions de la situation, demeure importante. [...]
[...] BLANCHARD Emmanuel, WENDER Anne-Sophie (dir.), Guerre aux migrants - Le livre noir de Ceuta et Melilla, (collectif MIGREUROP), Paris, Editions syllepses, Collection Arguments et mouvements p. BOUSSAGUET Laurie (dir.), Dictionnaire des politiques publiques, Paris, Presses de Sciences Po p. MULLER Pierre, Les politiques publiques, Paris, PUF, Collection Que sais-je p. GEDDES A., The Politics of migration and immigration in Europe, London, Sage Publications, Sage Politics Texts p. MEGIE, in BOUSSAGUET Laurie, JACQUOT Sophie, RAVINET Pauline (dir.), Dictionnaire des politiques publiques, Paris, Presses de Sciences Po p. [...]
[...] Le troisième, c'est la privatisation, notamment par l'imposition de normes de contrôles renforcés pour les agents privés (notamment les transporteurs). Enfin, l'externalisation passe par la déresponsabilisation, par la délégation des tâches d'accueil des migrants et des demandeurs d'asiles dans des territoires extérieurs à l'UE. Concrètement, ces différentes dimensions s'illustrent par des politiques de l'UE en échange d'une aide au développement, par un soutien logistique et financier, par des programmes de protection régionaux pilotés par des pays tiers, par la politique européenne de voisinage, par la coopération transfrontalière, par des procédures de réinstallation, des projets nationaux cofinancés par l'UE (comme le projet ATLANTIS entre l'Espagne et la Mauritanie en 2006). [...]
[...] On identifie donc, en reprenant la typologie établie par RADAELLI, (2004, livre de GEDDES) l'accommodation au niveau européen des préférences en matière d'immigration d'un Etat membre. On verra en ce sens le poids porté par l'Italie sur la politique d'externalisation. Ensuite, on observe un transfert de compétences à l'UE, ici par la prise en charge de la Commission Européenne, puis on note les attentes d'acteurs sociaux et politiques de ce nouveau centre de décision, et enfin on mesure l'impact de ces politiques sur le niveau national. [...]
[...] Ainsi dans ce jeu les pays tiers mobilisent des ressources différentes qui peuvent jouer en leur faveur, ou au contraire, favoriser leur soumission. L'analyse globale du professeur M.ZEROUALI de la relation entre l'Union Européenne et le Maghreb l'assimile à une relation de subordination Au-delà du débat légitime sur cette coopération biaisée qui révèle un rapport de force pragmatique, disons que la realpolitik de l'UE provoque des changements dans l'action publique, dans l'environnement des acteurs européens et de leurs partenaires, qui doivent maintenant considérer la prise en charge de l'immigration comme une opération beaucoup plus complexe et plus vaste. [...]
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