Le Seigneur descendit du ciel pour voir la ville et la tour que les hommes bâtissaient. Après quoi il se dit : « Eh bien, les voilà tous qui forment un peuple unique et parlent la même langue ! S'ils commencent ainsi, rien ne pourra les empêcher de réaliser tout ce qu'ils projettent. Allons ! Descendons mettre le désordre dans leur langage, et empêchons les de se comprendre les uns les autres. »
Genèse-11, La tour de Babel.
La définition de l'Europe est d'une extrême difficulté, ses limites géographiques incertaines sont à l'image de la complexité du concept qu'elle recouvre. Le mot de J.Delors, « Europe, objet politique non identifié » illustre cette profonde incertitude. Néanmoins, il est indéniable que la notion d'Europe peut être développée autour de deux dynamiques : celle des peuples et nations aspirant à l'existence reconnue et celle d'une volonté plus vaste d'organisation de l'ensemble de l'espace. Or, historiquement l'Europe est l'un des lieux où ces deux mouvements ont été poussés à leur extrême, à tel point qu'ils peuvent en apparaître constitutifs.
Le désir d'organisation, de gestion et de construction de l'Europe est dans sa forme contemporaine marqué à la base par la Raison. Il est possible de reconnaître dans sa modernité un universalisme hérité du siècle des Lumières.
Or, l'affirmation de la Nation traduite dans sa forme politique par le concept de nationalisme partage elle aussi cet héritage. Depuis la proclamation de la souveraineté « nationale », avec la Révolution française, celle-ci s'oppose à la légitimité « verticale » des empires ou des monarchies absolues. Selon J. Plumyène, les nationalismes ont donc comme paradigme commun une légitimité « horizontale ».
Comment s'articulent alors les deux notions, du nationalisme et de la construction européenne ? Sont-elles seulement monolithique ou est-il possible d'analyser en elles différents types ? En supposant leur complexité, de quelle nature encore plus complexe sont leur rapports ?
Du particularisme et de l'universalisme surgit tout d'abord l'opposition. Celle-ci n'est pas d'un type unique et peut donc se décliner selon plusieurs modèles, vraisemblablement au nombre de trois selon que l'on se place sous le signe de la souveraineté, de l'identité ou de ces deux concepts pour expliciter l'affrontement apparemment irréductible. Néanmoins, le refus d'une analyse statique conduit à rechercher les modalités de résolution de cet antagonisme. Se réduira-t-il dans une épreuve de force déjà engagée, dans un libre choix de souveraineté ou dans la naissance d'une identité d'un autre ordre ?
[...] La notion de pacte entre les Nations étant sous certaines conditions opérationnelle, elle peut jouer un très grand rôle dans la construction européenne si ce pacte est articulé avec la notion de souveraineté. En effet, les émois nationalistes se sont comme il l'a été remarqué dans le premier modèle cristallisés autour de la notion de souveraineté bafouée. Or, véritable pacte entre les Nations avec ses droits et ses devoirs ne peut avoir lieu par essence qu'entre Nations souveraines. Seules de telles nations peuvent déléguer une partie de leur souveraineté. Cette tautologie conceptuelle a les plus grands effets politiques. [...]
[...] Selon ce premier modèle, c'est principalement l'héritage historique et pour part la mystique nationale qui attisent un repli nationaliste sur l'identité au nom d'une souveraineté menacée par ceux de Bruxelles sortes d'insaisissables ouvriers de la négation des spécificités nationales. Placé sous le signe de la souveraineté, le nationalisme en Europe de l'Ouest est non seulement irréductiblement opposé à une construction présente et à venir, mais encore recréé et alimenté par elle. Le second modèle d'irréductibilité de la construction européenne et du nationalisme se situe dans une autre temporalité. [...]
[...] Le repli identitaire orchestré par le nationalisme peut être compris comme un retour dans l'immédiat au plus simple dénominateur commun national. Il s'agit quel qu'en soit le prix, même s'il doit dépasser la livre de chair shakespearienne, de reconstituer les identités nationales, de forger les futurs acteurs de la géopolitique régionale. Toute construction est de fait repoussée à la fin de ce processus, au moment fort inquiétant ou ces identités seront assez pures (et il faut conserver la connotation extrême du mot) pour, peut-être, concevoir une construction européenne incluant comme l'un des centres et non plus comme une périphérie cette région. [...]
[...] Le second mode de résolution consiste à désarmer le nationalisme en faisant des Nations l'élément constitutif de la construction de l'Europe. Ce mode s'oppose résolument au modèle de l'Empire, puisqu'une telle construction européenne ne tente pas d'aplanir les différences entre les peuples, ni d'uniformiser par la force un territoire pour asseoir sa force et sa légitimité. Les fondements théoriques de ce mode peuvent, comme ceux de la Nation se trouver chez les théoriciens du contrat des Lumières. Il s'agit seulement de poursuivre plus loin un raisonnement qui initialement était une réflexion sur le pouvoir absolu d'un souverain (pour avec Hobbes, définitivement contre avec Rousseau). [...]
[...] Il s'agit donc effectivement de contrer les nationalismes. Selon le principe de construction européenne au sens premier, le nationalisme, voilà l'ennemi, pour paraphraser Gambetta. N'est-il pas possible de voir dans le vocabulaire qu'utilisent aussi bien les chercheurs que les journalistes le champ lexical de la maladie dont seul la construction européenne serait l'antidote. Cela est traduit par exemple par les notions de nationalisme endémique de réactions épidermiques des populations les unes par rapport aux autres, d'épidémie nationaliste de contagion de fléau, etc . [...]
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