« L'Irlande dit non ! » titrait l'ensemble de la presse européenne au lendemain du referendum sur le Traité de Lisbonne dans l'île, le 12 juin 2008. Trois ans après les rejets référendaires français puis néerlandais du Traité constitutionnel, l'annonce fait l'effet d'un choc. Alors que les leaders européens espéraient une relance rapide du processus de construction européenne, ils sont de nouveau confrontés à un refus populaire. L'intégration européenne fait face à un nouveau défi depuis quelques années : un malaise populaire générant des blocages pour la mise en place des Traités communautaires. Tandis que les crises précédentes, qui ont jalonné l'histoire communautaire, étaient le fait des Etats, des gouvernements, aujourd'hui ce sont les « peuples » qui bloquent les avancées alors que leurs Etats se sont accordés. Et parmi ces peuples, comme le note Paul Magnette, « ce sont souvent des Européens convaincus qui portent la critique contre le cours que prend l'intégration ». Ce malaise est ancien comme l'illustraient le faible soutien populaire au Traité instituant l'Union européenne et les refus danois et irlandais aux Traités de Maastricht et de Nice. Pourtant, ce faible soutien ne s'était jusqu'alors pas pleinement exprimé et n'avait pas réussi à bloquer la marche en avant de l'Europe. Désormais, il n'est plus possible d'évincer la question. De sa résolution dépendra le futur de l'intégration européenne. Face à la nécessité de comprendre ce malaise, comment d'abord l'évaluer ? Puis ensuite l'analyser et l'expliquer ? Et enfin quelles solutions y apporter ou quelles perspectives peut-on entrevoir ?
[...] Or les citoyens ne répondent qu'aux questions qui font sens pour eux. C'est pourquoi les Français se sont concentrés sur la Directive Bolkestein et non sur les réformes institutionnelles. Ces dernières d'importance capitale pour un meilleur fonctionnement des institutions européennes, cruciales depuis les deux derniers élargissements à l'Est, ont été délaissées car elles ne signifiaient rien ou si peu pour les citoyens. Les débats des juristes sur les institutions leur apparaissent byzantins, comparés aux questions de droit social et du travail qui impactent directement sur leur vie quotidienne. [...]
[...] Ainsi selon les sondages Eurobaromètre des ouvriers français interrogés des ouvriers néerlandais et 74% des ouvriers irlandais ont voté non, auxquels s'ajoutent les chômeurs et des classes moyennes inférieures (employés ) craignant la précarisation. Le européen s'est-il évanoui : une Communauté “inimaginable” ? La socialisation a-t-elle échoué ou suit-elle un processus normal ? Le malaise populaire européen peut aussi s'expliquer par un processus de socialisation inachevé. La socialisation verticale reposant sur le transfert de légitimité aux institutions européennes n'est pas encore effective. [...]
[...] La Charte sociale divise par exemple les continentaux et les Britanniques. Le débat sur les racines chrétiennes confronte les Etats et partisans démocrates et conservateurs chrétiens d'un côté, comme Angela Merkel et la Pologne, aux Etats et partisans sociodémocrates attachés à une laïcité pure, de l'autre côté, France en tête. De même, les thèmes de l'égalité et de la redistribution font beaucoup moins florès dans les pays d'Europe centrale et orientale, où ils évoquent l'ancien catéchisme communiste, qu'au sein des Etats de l'Ouest. [...]
[...] mais victime d'un manque criant de communication, Si l'information européenne ne manque pas, la communication des institutions reste en revanche limitée. Il est nécessaire à cet égard de différencier l'information et la communication. La première vise à renseigner de manière objective, neutre, tandis que la seconde est orientée. L'information européenne est considérable mais qui vient défendre l'Union européenne ? Les Etats s'en servent assez facilement comme bouc émissaire pour leurs problèmes et renvoie leurs citoyens désappointés vers les institutions européennes pour justifier l'échec de leurs diverses politiques. [...]
[...] Le citoyen européen dispose donc de moyens d'action vis-à-vis de son propre Etat, en cas de non-respect du droit européen. La crise actuelle : les non européens Un malaise populaire ancien L'une des caractéristiques communes des deux grands textes marquant l'évolution récente de la Communauté européenne [ ] est qu'ils ont été préparés et négociés par les représentants des élites avant d'être soumis à la ratification par les Parlements ou par les peuples des Etats membres. La citation aurait tout aussi bien pu être extraite d'un article récent mais, en réalité, elle date de l'après-Maastricht, preuve que la question des rapports entre élites et peuples au niveau de l'intégration européenne n'est pas apparue avec les échecs référendaires. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture